Plus que 35 ans de charbon aux États-Unis

Existe-t-il vraiment des réserves de charbon pour plusieurs siècles? Plusieurs spécialistes de la question ont émis de sérieux doutes à ce sujet dans le passé, mais les réserves mondiales de charbon demeurent très mal connues et les études géologiques de qualité sont rares. De récents travaux, très peu rapportés dans les médias, ont permis de ramener les réserves du plus grand gisement américain de 250 à… 35 ans. La réalité, c’est que la majeure partie de la ressource en place demeure totalement inexploitable.

J’ai déjà rendu compte, par le passé, des excellents travaux de Rutledge et de Capellán-Pérez, qui prédisent un avenir difficile au charbon à partir des données historiques de production. On a ici affaire à une étude géologique de grande envergure, qui corrobore leurs intuitions. À la lumière de ces données, on peut se demander ce qui va céder en premier : les réserves de charbon, ou la demande pour ce produit.

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Carte des principaux champs charbonniers et grades de charbon aux États-Unis.

Une étude de grande envergure

L’histoire commence en 1974. À cette époque, l’agence géologique américaine (le United States Geological Survey, ou USGS) estime sommairement les réserves de charbon des États-Unis à environ 250 ans. Ce chiffre est repris partout ensuite, sans plus de vérification. En 2007, le Conseil national de la recherche (NRC) suggère qu’en raison de la production accrue et du déclin du taux de récupération, la véritable valeur est probablement plus de l’ordre de 100 ans. On ordonne alors au USGS de refaire son estimation, mais cette fois avec des techniques de pointe.

Les résultats de cette nouvelle étude ne sont publiés qu’en 2015 et passent pratiquement inaperçus. Leurs résultats mériteraient toutefois plus d’attention. Ils montrent que la majeure partie du charbon qui se trouve dans le sous-sol est en réalité inexploitable dans des conditions techniques et économiques raisonnables. Les réserves sont réévaluées à 40 ans « au maximum », soit au plus 35 ans à partir de 2020.

L’étude ne porte que sur un seul bassin charbonnier, Powder River, qui se trouve à cheval sur le Wyoming et le Montana. La plupart des autres grands bassins, en particulier ceux des Appalaches et de l’Illinois, n’ont pas encore été réévalués et dans le contexte actuel, on peut se demander s’ils le seront jamais. Mais comme Powder River représente à lui seul 45 % de la production américaine, ces résultats peuvent être considérés comme représentatifs de l’ensemble.

Coupe veines de charbon Wyoming
Vue en coupe du bassin de Powder River,montrant l’épaisseur et la profondeur des principales accumulations de charbon. Cent pieds représentent 30 mètres.

Pour réaliser leur étude, les géologues du USGS ont effectué pas moins de 30 000 forages sur une zone de 50 000 km². Ceci leur a permis de déterminer l’épaisseur des couches de charbon, ainsi que la profondeur à laquelle elles sont enfouies. Leurs principales conclusions sont les suivantes :

  • La quantité de totale de charbon en place (la ressource) était à l’origine de 1 156 milliards de tonnes (tonnes « courtes » américaines de 907 kilos).

  • Compte tenu du charbon extrait, il reste 1 148 milliards de tonnes.

  • Sur ce total, à peine 162 milliards de tonnes se présentent en couches assez épaisses et assez près de la surface pour être techniquement exploitables.

  • Et au final, à peine 25 milliards de tonnes sont économiquement exploitables au prix actuel du charbon.

La réserve exploitable ne représente donc que 2 % de la ressource en place. En 2017, une autre étude, portant sur le bassin moins important de Little Snake River, concluait qu’à peine 1 % de la ressource y était exploitable. Les données pour Powder River ne semblent donc pas aberrantes. Cela signifie que la perception d’un charbon abondant et quasi inépuisable était fondée sur des évaluations superficielles et trop optimistes.

Conséquences de cette étude

On pourrait soutenir que ces estimations reposent sur le faible prix actuel du charbon et que dans un contexte de pénurie énergétique à venir, les prix pourraient remonter, rendant de nouvelles ressources économiquement rentables. Cet espoir risque d’être déçu. Les entreprises productrices ont d’abord exploité le charbon le plus proche de la surface. On retirait initialement deux tonnes de pierre pour chaque tonne de charbon produite, soit un coefficient de recouvrement de 2:1. Ce taux est actuellement rendu à 3,5:1 et continue d’augmenter. Les minières remuent donc de plus en plus de pierre et de moins en moins de charbon, ce qui fait exploser les coûts. Les meilleurs grades de charbon ont également été exploités en premier et ce qui reste est de qualité inférieure et donc, de moindre valeur.

Le charbon étant un grand émetteur de gaz à effet de serre, personne ne se chagrinera de son épuisement anticipé. Il reste toutefois que le charbon est utilisé dans la fabrication de la majeure partie de l’acier et du ciment dans le monde, de même que dans la production de 38 % de l’électricité de la planète. Un déclin rapide pourrait entraîner des difficultés de production pour ces produits de base, sans laisser le temps de mettre en place d’éventuelles filières de production sans charbon.

La disponibilité plus faible que prévue du charbon pourrait aussi avoir une incidence sur les changements climatiques. Les scénarios du GIEC reposent sur l’hypothèse de la consommation de quantités illimitées des carburants fossiles. Le pic charbonnier, combiné au pic pétrolier, pourrait nous éviter les scénarios de réchauffement les plus graves, une hypothèse que j’ai déjà abordée dans ce texte.

Sources :

7 réflexions sur “Plus que 35 ans de charbon aux États-Unis”

  1. Très intéressant. Qu’en est-t’il du potentiel de la gazéification in-situ qui permettrait d’accéder à moindre coût à des ressources difficilement accessibles et de moindre qualité? Les études semblent ne considérer que l’exploitation conventionnelle. Ce serait évidemment une très mauvaise nouvelle si ça pouvait devenir significatif.

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  2. Bonjour,

    Merci pour cet article intéressant quand aux réserves ultimes de charbon aux Etats-Unis.

    Avez-vous des informations concernant les réserves de pétrole de schiste aux Etats-Unis ?
    Certaines sources affirment que la ressource totale en place serait de 6000 milliards de barils et qu’il y aurait 2000 milliards de barils techniquement exploitables, ce qui ferait 300 ans de disponibilité pour les USA…mais un baril techniquement exploitable n’est pas forcément rentable économiquement ?
    A t’on une idée de la quantité ultime récupérable de pétrole de schiste aux USA ?

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