Les renouvelables dépassent maintenant le nucléaire dans le monde

Le groupe de recherche et de réflexion sans but lucratif Ember, basé en Angleterre, vient de publier son rapport annuel sur la production électrique dans le monde en 2021. Son principal constat : pour la première fois, la contribution des énergies renouvelables intermittentes (photovoltaïque et éolien) vient de dépasser celle du nucléaire : 10,3 % du total, contre 9,9 %. Autre constat, plus alarmant : la très forte hausse de la demande en électricité dans le monde en 2021 (+7 %) a principalement été comblée avec du charbon, puis avec des renouvelables. Les autres formes d’énergie, dont le gaz, n’ont joué qu’un faible rôle.

Part mondiale des ER 2021

Pour être plus précis, en 2021, la production éolienne a augmenté de 14 % et la production solaire, de 23 %. Leur part du marché de l’électricité, qui était de 4,6 % en 2015 et de 9,3 % en 2020, atteint maintenant 10,3 %. Mises ensemble, l’ensemble des sources renouvelables d’électricité (incluant la biomasse et l’hydroélectricité) représentaient 38 % de la production dans le monde, contre 36 % pour le charbon et 22 % pour le gaz. La part totale des carburants fossiles était de 62 %.

Le PV et l’éolien combinés ont progressé de 17 % en 2021. Ceci se compare avantageusement à une baisse de 2 % de l’hydroélectricité (surtout en raison de la sécheresse en Chine) et une faible hausse de 4 % du nucléaire. La biomasse a cru de 6 %. Les technologies émergentes, comme l’hydrogène, les carburants de synthèse, le solaire à concentration, la géothermie et les énergies marines, n’ont à peu près pas bougé et ne représentent pas un apport important.

La poussée du charbon

En dépit de leur forte croissance, l’éolien et le solaire n’ont répondu qu’à 29 % de la demande supplémentaire d’électricité en 2021. Le charbon a comblé 59 % de cette nouvelle demande à lui seul. Le gaz et le pétrole combinés n’ont contribué qu’un maigre 10 %. En chiffres absolus, la production électrique basée sur le charbon a augmenté de 9,0 % en 2021, annulant la baisse de 4,2 % enregistrée en 2020 et battant le record de tous les temps établi en 2018. Soulignons qu’on parle ici de la part du charbon dans la production électrique, pas de sa part dans le mix énergétique total.

Ce retour du charbon a été provoqué par une forte hausse de la demande en électricité, mais il a été exacerbé par les prix élevés du gaz naturel. Trois événements semblent avoir fortement contribué à la croissance du charbon : la crise énergétique provoquée par la vague de froid au Texas en février 2021, une hausse de la demande au Japon et la hausse des prix du gaz en Europe à l’automne. Ceci marque-t-il la fin du gaz comme énergie de transition? Si oui, il ne reste plus guère que les renouvelables comme alternative rapidement déployée au charbon. Les centrales au charbon étant globalement sous-utilisées en Europe, elles représentaient une capacité de réserve tentante pour faire face rapidement à la crise.

Il est à noter que pour rester dans la trajectoire de +1,5 degré définie par l’Agence internationale de l’énergie, la part du charbon dans la production électrique doit chuter de 73 % d’ici 2030. Il n’y a que les renouvelables pour nous permettre d’atteindre cet objectif en temps voulu ou, à tout le moins, de s’en approcher.

La forte hausse du charbon en 2021 signifie que les émissions du secteur électrique mondial ont augmenté de 7 % en 2021, soit 778 millions de tonnes de CO2. C’est la plus forte hausse jamais enregistrée en quantité et la plus grande en pourcentage depuis 2010. Elle annule la baisse de 3 % enregistrée en 2020. Les émissions totales du secteur de la production électrique sont de l’ordre de 12 milliards de tonnes. L’intensité des émissions reste toutefois relativement stable : la moyenne mondiale était de 442 grammes par kWh en 2021, contre 437 en 2020. Nous restons toutefois loin de l’objectif de zéro, fixé pour 2035 dans les pays avancés et pour 2040 pour l’ensemble de la planète.

Expériences nationales ER

Expériences nationales

Ces données quelque peu décourageantes ne doivent pas faire perdre de vue les progrès réels qui ont été réalisés à l’échelle nationale et qui montrent qu’une forte accélération de la transition est possible. Ainsi, le nombre de pays où le PV et l’éolien combinés représentent 10% et plus de la production électrique est passé de 43 en 2020 à 50 en 2021. Les nouveaux venus dans le groupe sont la Chine (11,2 %), le Japon (10,2 %), la Mongolie (10,6%), le Vietnam (10,7%), l’Argentine (10,4 %), la Hongrie (11,1 %) et El Salvador (12,0 %).

Parmi les pays qui se démarquent, on note l’Australie, où la part du PV + éolien est passée de 13 à 22 % de 2020 à 2021, tandis que la part des fossiles glissait de 79 à 70 %. Au Vietnam, le PV+ éolien est passé de 3 à 11 %, tandis que la part des fossiles chutait de 73 à 63 %. Une transition rapide est donc possible avec des politiques déterminées. Comme je le rapportais il y a quelques mois, l’Australie a mis en place un plan pour passer à près de 100 % d’électricité renouvelable en 2030.

La France ne compte pas parmi les 50 pays à avoir franchi le seuil des 10 % de PV + éolien. Leur part de la production électrique n’atteignait que 9,35 % en 2021. Les champions européens étaient le Danemark (51,85 %), la Lithuanie (36,87 %), l’Espagne (32,89 %), l’Irlande (32,87 %) et le Portugal (31,51 %). La part de l’Allemagne était de 28,81 %, celle de la Grande-Bretagne, de 25,15 %. La moyenne mondiale était de 10,31 %.

Source :

Ember, Global Electricity Review 2022, 30 mars 2022.

10 réflexions sur “Les renouvelables dépassent maintenant le nucléaire dans le monde”

  1. Qu’est-ce qu’on s’en moque en France de ne pas dépasser 10% d’ENR-I, on a l’intensité carbone par kWH parmi la plus faible, 10X inférieur à celle de l’Allemagne, ce devrait être ça le juge de paix non ?

    J’aime

    1. Oui, bravo, mais si vous voulez étendre l’électrification à d’autres secteurs qui ceux qui le sont actuellement, il va falloir produire plus d’électricité, et rapidement. Le parc nucléaire actuel est non seulement plafonné, mais ses besoins en entretien diminuent sa production, un problème qui va s’aggraver à l’avenir. Les solutions vite déployées ne sont pas très nombreuses: fossile ou renouvelables.

      J’aime

  2. Wow, fantastique. Philippe Gauthier maîtrise l’art de dire la vérité tout en mentant effrontément. Cela s’appelle : « ne jamais dire TOUTE la vérité » alors qu’il la connait. Et cela c’est impardonnable. Son article est vrai, mais il « oubli » simplement de dire que « les énergies renouvelables ça ne vaut rien », alors qu’il le sait. Assurément, il ferait un très bon politicien.

    J’aime

    1. L’ensemble de la littérature scientifique et technique contredit votre affirmation. Le renouvelables ont apporté 35% de l’énergie en Europe en 2021, dont 23% pour le PV et l’éolien à eux seuls. Sans cette énergie qui «ne vaut rien», vous auriez mangé froid une bonne partie du temps.

      J’aime

      1. C’est vrai sur l’année en quantité d’énergie produite globalement sur cette période, mais ça ne l’est pas forcément (et surement pas la nuit) quand il faut faire rouler un train, allumer sa cuisinière ou éclairer les bureaux etc …. et c’est bien cela le problème des ENR : leur disponibilité non pilotable.
        Et qui prend le relai ? les fossiles bien entendu. Du coup ce sont les fournisseurs genre Total Energies qui s’est bien recentré sur le gaz ces dernières années en voyant la manne qui leur tend les bras grâce aux votes de lois libérales de l’Europe.
        Et qui paye à la fin ? Les contribuables et le climat qui n’en finit plus de se réchauffer.

        J’aime

Laisser un commentaire