Le pic charbonnier a été atteint en 2013

En dépit des statistiques rassurantes selon lesquelles les réserves de charbon seraient quasi inépuisables, la production mondiale de charbon a atteint un sommet en 2013 et décline lentement depuis. Certains voudront y voir la preuve que la planète délaisse le charbon pour atteindre ses objectifs de réduction des gaz à effet de serre. Mais comme les autres carburants fossiles ne suivent pas la même tendance, il est plus raisonnable d’estimer qu’il existe des contraintes géologiques – autrement dit, que la déplétion de la ressource est plus avancée que prévu.

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Petit rappel historique : en 2007, une étude chinoise basée sur les statistiques officielles de ce pays estimait que le pic charbonnier de la Chine aurait lieu entre 2027 et 2032 et qu’à son sommet, la production serait de l’ordre de 3,3 et 4,5 milliards de tonnes. En pratique, le pic charbonnier chinois a été atteint en 2013, à 3,6 milliards de tonnes. Ce recul n’est pas lié à une baisse de la demande, puisque celle-ci atteignait 3,9 milliards de tonnes en 2017, la différence étant comblée par les importations.

La production a également plafonné en 2013 à l’échelle du monde, la baisse étant très marquée en Chine et plus graduelle dans le pays de l’OCDE (en dépit d’une production en hausse en Australie). La légère progression qu’ont connue les autres pays (principalement l’Inde) ne compense pas le recul de la production ailleurs dans le monde.

Les réserves grossièrement surévaluées

Mais les réserves de charbon ne sont-elles pas censées être suffisantes pour plusieurs siècles encore? Capellán-Pérez émet de sérieux doutes à ce sujet dans son étude de 2016. Le charbon est surveillé de beaucoup moins près que le pétrole et il n’existe que deux sources statistiques à son sujet : l’Institut fédéral pour les géosciences et les ressources naturelles (BGR) et le Conseil mondial de l’énergie (WEC) dont les moyens sont limités.

Les données du BGR ne couvrent que la ressource en place, sans tenir compte des quantités réellement exploitables. Elles donnent donc une idée très exagérée de ce qui est réellement disponible. Le GIEC base pourtant son analyse sur ces données. Celles du WEC souffrent d’un manque de standardisation des rapports et d’une tendance de certains pays à surdéclarer leurs réserves pour des raisons stratégiques, ce qui le rend également discutables.

Les différences peuvent être énormes. En 1999 encore, l’Allemagne rapportait avoir des réserves de houille de 23 milliards de tonnes. En 2004, après avoir admis que cette estimation contenait de grandes quantités de ressources spéculatives, la réserve avait été réévaluée à 183 millions de tonnes seulement. Aux États-Unis, l’autorité géologique fédérale (USGS) rapporte que les réserves du pays n’ont pas été remises à jour depuis 1974 et qu’elles se basent sur des données de mauvaise qualité datant de 1970. Le USGS concluait qu’il lui était « impossible de confirmer l’assertion souvent faite selon laquelle il existerait pour 250 ans de réserves ». Il estimait aussi qu’à peine 20 % du charbon déclaré était récupérable au final.

Une approche historique des réserves

Les statistiques charbonnières semblent donc être l’objet d’une grande négligence et être surestimées. Dave Rutledge, chercheur à Caltech, s’est récemment livré à une étude comparative où il s’est penché sur les trajectoires de plusieurs producteurs historiquement importants : Grande-Bretagne, Allemagne, France, Pennsylvanie. Japon. Il a comparé les estimations de réserves faites dans le passé à la production cumulative réelle. En plus de l’année du pic de production à proprement parler, il a défini deux moments, t10 et t90, qui correspondaient respectivement au moment où 10 % et 90 % de la quantité ultime avaient été produits. Le tableau suivant résume ses constats.

Déclin du charbon

À noter que les données pour l’Allemagne ne concernent que la houille et ne couvrent pas la lignite. On observe aussi qu’en moyenne, la production ultime n’atteint que 21 % de la quantité récupérable qui avait été initialement estimée. Rutledge explique que les critères de « récupérabilité » retenus à l’époque se sont avérés beaucoup trop optimistes. En Grande-Bretagne, par exemple, on espérait pouvoir un jour exploiter des veines de 30 cm d’épaisseur situées à 1200 mètres de profondeur, ce qui ne s’est finalement pas avéré possible.

Capellán-Pérez estime que l’approche basée sur la quantité ultimement récupérable de ressource (URR) popularisée par Hubbert, Campbell et Laherrère, donne des prévisions beaucoup plus fiables que les méthodes utilisées par les institutions internationales. Rutledge, qui utilise une méthode de cet ordre, évalue que l’ultime mondial de charbon sera 423 milliards de tonnes, dont 199 sont déjà produites. Il estime aussi que la production mondiale a atteint 10 % de l’ultime en 1947 (42 milliards de tonnes) et qu’on atteindra 90 % de l’ultime (381 milliards de tonnes) en 2066.

En conclusion, les données affirmant qu’il existe du charbon « pour plusieurs siècles » sont d’une fiabilité douteuse et ont souvent été revues à la baisse ces dernières années. Tout donne à croire que le pic charbonnier a été atteint en 2013 et que la production va continuer à décliner. Les données de Rutledge montrent qu’au moment t90, la production se maintient tant bien que mal à 53 % de ce qu’elle était lors de son pic, mais qu’elle s’effondre rapidement ensuite. La production mondiale de charbon étant de 7,8 Gt en 2013, elle pourrait donc être de l’ordre de 4,1 Gt en 2066, avant de connaître un plongeon terminal.

 

Sources :

8 réflexions sur “Le pic charbonnier a été atteint en 2013”

  1. Je suis sceptique sur le pic charbonnier chinois pour 2 raisons.
    1/ si on regarde la courbe, au milieu des années 90 on aurait aussi pu avoir l’impression d’un pic. On manque de recul pour affirmer avec seulement 5 ans qu’on a atteint le pic
    2/ la chine a eu d’énormes problèmes de pollution, des villes entières qui ne voyaient plus le soleil et il y a eu une forte contestation de la population et le gouvernement à décidé de réduire l’utilisation du charbon. Non pas parce qu’il en manquait, mais pour que les gens puissent respirer.

    Vous ne mentionnez pas ce facteur et son impact. Alors, peut-être qu’on est arrivé au pic, je ne sais pas, mais peut-être que non.

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    1. La Chine a augmenté ses importations dès que la croissance de la production s’est mise à fléchir, mais avant qu’elles ne commencent à diminuer en chiffres réels. Bref, la production ne suffisait plus à la demande avant même qu’elle atteigne son pic.

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      1. C’est une façon de le voir. L’autre serait de dire qu’ils ont eu tout petit peu de peu de mal à suivre la très très forte demande à partir de 2002 (+100% en 10 ans), le temps que leurs moyens de production s’y adaptent et on été obligé d’importer la faible différence. Mais globalement ils y sont parvenus.

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    1. Oui, la production a repris en 2017, mais elle reste inférieure à celle de 2013. Un pic secondaire reste possible,mais compte tenu de l’état des ressources, il serait probablement de courte durée. En général, le pic est suivi d’une phase de «plateau fluctuant» où la production connaît des hauts et des bas correspondant aux efforts de l’industrie pour la relancer. Le déclin s’installe pour de bon quelques années plus tard.

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    1. Oui, j’ai vu cela aussi, un léger dépassement. Reste que l’on n’est plus dans la phase de croissance explosive que nous avons connue entre 2000 et 2012. Il y a un plafonnement de facto, mélange de facteurs géologiques et de facteurs liés à la demande. Et l’année 2020 montrera certainement un certain recul par rapport à 2019.

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