Le bois utilisé pour la production d’électricité est-il vraiment une source d’énergie neutre en carbone, comme le présument l’Union européenne et les États-Unis? Bien au contraire, estime John D. Sterman, chercheur au MIT. Brûler du bois émet plus de carbone que brûler du charbon et ce carbone n’est jamais réabsorbé à 100 % par la repousse de la forêt. Et pendant son séjour dans l’atmosphère, il contribue au réchauffement du climat et à l’acidification des océans.
L’idée de la neutralité carbone du bois est séduisante en principe. Contrairement au carbone des carburants fossiles, qui est séquestré sous terre depuis une éternité, celui des forêts est déjà en circulation dans la biosphère et n’y ajoute donc rien de neuf. Toutefois, les analyses de cycle de vie effectuées par l’équipe de Sterman montrent que remettre en circulation le carbone des forêts, même temporairement, a un effet négatif et persistant sur le climat.
Un des problèmes vient du fait que le bois est surtout utilisé sous forme de granules dans la production d’électricité. En principe, ces granules présentent à peu près la même intensité d’émissions de carbone que le charbon. En pratique toutefois, leur combustion est moins efficace et il faut en brûler plus pour obtenir la même énergie, ce qui augmente les émissions de CO2 par kWh produit à un niveau dépassant celui du charbon.
Cette dette de carbone pourrait être remboursée si la forêt repoussait à l’identique. Mais les modèles montrent que ce n’est pas le cas. Les arbres d’une forêt américaine coupée à blanc mettent en moyenne 87 ans à repousser et à repayer cette dette. Mais entre-temps, le sol s’est vidé d’une partie de son carbone parce que l’activité biologique du site est réduite. Au bout de 100 ans, donc, la forêt de repousse stocke encore moins de carbone que la forêt d’origine, même si elle est couverte d’arbres.
Les hypothèses utilisées dans ce calcul sont très optimistes, de l’aveu même du chercheur. Elles tiennent pour acquis que toutes les surfaces récoltées pour la production de bioénergie reviennent à leur état initial sans être récoltées à nouveau, sans conversion vers d’autres usagess et sans dégâts provoqués par les feux, les insectes et les désastres climatiques. Dans un contexte où les changements climatiques augmentent les risques de parasitisme, d’incendies et de sécheresse, ont voit que la repousse de la forêt à l’identique n’est pas gagnée d’avance.
Les effets d’une coupe sélective ne sont guère meilleurs, puisque les arbres prennent en moyenne 63 ans à repousser. L’idée, avancée par l’industrie des granules, que l’utilisation des cimes d’arbres ou des taillis peut être neutre en carbone ne semble pas davantage s’appuyer sur des faits démontrables. De manière contre-intuitive, les plantations d’arbres aggravent le problème au lieu de l’améliorer, en dépit de leur gestion plus serrée. Les plantations, insistent les chercheurs, stockent beaucoup moins de carbone que les forêts naturelles.
Ce qu’il faut retenir, c’est que pendant la durée de sa remise en circulation dans l’atmosphère, le carbone supplémentaire lié à la combustion du bois favorise le réchauffement climatique, la hausse et l’acidification des océans, la baisse des récoltes agricoles et les épisodes de sécheresse et de météo extrême. Ces effets sont durablement acquis et ne se résorbent pas même si le carbone finit par être à 100 % stocké quelque part.
« En résumé, écrit John D. Sterman, bien que la bioénergie issue du bois puisse réduire les concentrations à long terme de CO2 en comparaison avec les carburants fossiles, son premier impact est une augmentation du CO2, aggravant le réchauffement global pendant la période critique allant jusqu’en 2100, et ce même, si le bois est utilisé pour remplacer le charbon, le carburant fossile ayant la plus forte intensité carbone. Déclarer que que les biocarburants sont neutres en carbone, comme l’ont fait l’UE et d’autres, tient pour acquis de manière erronée que la rescousse de la forêt compense rapidement et complètement les émissions liées à la production et à la combustion de biocarburants. La neutralité supposée n’est pas valide parce qu’elle ignore la hausse de CO2 transitoire, mais persistant pendant des décennies voire des siècles, provoquée par les biocarburants. »
Source :
John D Sterman, Lori Siegel et Juliette N Rooney-Varga, Does replacing coal with wood lower CO2 emissions? Dynamic lifecycle analysis of wood bioenergy
A reblogué ceci sur Journal d'un jeune écologisteet a ajouté :
Article très intéressant de Philippe Gauthier, auteur du blog Énergie & Environnement. Comme quoi, les sources d’énergie dites « renouvelables » n’ont pas que des effets positifs, et c’est une vision systémique qui doit guider la transition écologique.
« Le bois utilisé pour la production d’électricité est-il vraiment une source d’énergie neutre en carbone, comme le présument l’Union européenne et les États-Unis? Bien au contraire, estime John D. Sterman, chercheur au MIT. Brûler du bois émet plus de carbone que brûler du charbon et ce carbone n’est jamais réabsorbé à 100 % par la repousse de la forêt. Et pendant son séjour dans l’atmosphère, il contribue au réchauffement du climat et à l’acidification des océans.
L’idée de la neutralité carbone du bois est séduisante en principe. Contrairement au carbone des carburants fossiles, qui est séquestré sous terre depuis une éternité, celui des forêts est déjà en circulation dans la biosphère et n’y ajoute donc rien de neuf. Toutefois, les analyses de cycle de vie effectuées par l’équipe de Sterman montrent que remettre en circulation le carbone des forêts, même temporairement, a un effet négatif et persistant sur le climat. »
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Il s’agit effectivement d’un sujet complexe et souvent mal compris et qui est soutenu par des émissions de CO2 mal comptabilisées dans le cas du chauffage au bois qui ne tient pas compte de l’émission immédiate liée à la combustion, sous prétexte du caractère renouvelable de celui-ci.
Il s’agit d’un point de vue comptable imprécis puisqu’il fait abstraction de la temporalité de ce retour dans la biomasse vivante, qui elle prend du temps. De plus comme évoqué ci-dessus, le type de coupe et de gestion forestière a aussi un fort impact sur la vrai compatibilité carbone à terme.
On peut citer les effets pervers de cette comptabilité avec l’exemple de Gardanne dans le sud de la France qui pour une usine de production électrique, en passant du charbon au bois, fait disparaitre les émissions carbone alors que le bois conduit à une émission CO2 plus forte en instantanée par kWh utile disponible.
Dommage que bien que le recours au Bois Énergie ait effectivement de multiple atouts et intérêts, on simplifie le propos avec des informations tronquées et faussement parées de toutes les vertus.
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