Que valent les projections de production pétrolière de l’Agence internationale de l’énergie? Une étude récente s’est penchée sur le sujet, suivant l’évolution des données publiées dans les rapports annuels World Energy Outlook (WEO) de 2000 à 2016 et comparant ces projections aux résultats réels observés depuis. Il apparaît que la marge d’erreur demeure significative et que les décideurs politiques devraient mieux tenir compte de cette incertitude, notamment celle qui concerne le pétrole non conventionnel et la production de l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP).

Si l’on étudie les différentes éditions annuelles du WEO, on note que les projections d’approvisionnement mondial en pétrole ont été revues à la baisse en trois grandes étapes : 2001-2002, 2007-2008 et 2009-2010. Les estimations sont reparties à la hausse après 2010. Une analyse plus fine des données indique que les révisions à la baisse sont liées à la production de l’OPEP, tandis que les projections hors OPEP sont demeurées relativement stables.

Comment ces projections ont-elles résisté à l’épreuve des faits? Dans l’ensemble, l’erreur moyenne est un peu plus élevée dans les scénarios anciens (2000-2007) que dans les plus récents (2008-1015). Il apparaît aussi que les projections ont été plus précises pour le pétrole conventionnel que pour le non conventionnel. Enfin, dans la catégorie du conventionnel, les projections concernant l’OPEP ont été moins précises que celles visant la production hors OPEP.

En ce qui concerne l’ensemble de la production mondiale, l’erreur moyenne est de 4 % sur un horizon de cinq ans et de 7 % sur dix ans. Les scénarios récents présentent une erreur de 3,7 % sur cinq ans. Les scénarios anciens comportent 12 % de sous-estimations, 1 % de scénarios neutres et 87 % de surestimations. Les scénarios récents comportent 64 % de sous-estimations, 11 % de scénarios neutres et 25 % de surestimations.
Les projections relatives à la production mondiale de pétrole conventionnel affichent des tendances similaires. L’erreur moyenne est de 3,3 et de 9,2 % sur des horizons de cinq et dix ans, mais de 2,8 % seulement pour les scénarios sur cinq ans les plus récents. L’erreur moyenne pour la production de l’OPEP est de 8,9 et 13,7 % pour cinq et dix ans, mais de 4,8 et 6,5 % seulement pour la production hors OPEP. L’erreur dépasse 30 % pour les projections sur plus de dix ans concernant l’OPEP.
L’erreur moyenne dépasse parfois les 50 % en ce qui concerne le pétrole non conventionnel. Cette difficulté d’estimation s’explique par deux facteurs. D’une part, la technologie utilisée est récente et encore mal connue. D’autre part, les quantités produites sont beaucoup plus faibles, ce qui fait que de petites différences de production en quantités absolues se traduisent par de grands pourcentages de variation. La définition de « pétrole non conventionnel » tend aussi à évoluer dans le temps, ce qui accroît l’incertitude liée aux données. Fait à noter, les projections surestiment en général la production issue des sables bitumineux canadiens tout en sous-estimant celle des schistes américains.
L’incertitude est encore plus élevée en matière de prix du pétrole. Elle atteint respectivement 17, 37 et 67 % sur des horizons de un, cinq et huit ans. En appliquant cette incertitude à la projection du WEO 2016 pour 2020 (78 $ du baril) on peut déterminer que le prix du pétrole a 58 % des chances de se situer entre 49 et 107 $, et 89 % des chances d’être dansune fourchette comprise entre 20 et 135 $.
Les auteurs de l’étude en concluent que les décideurs devraient mieux tenir compte de l’incertitude inhérente à ce genre de projections et baser leurs décisions sur un éventail de résultats possibles plutôt que simplement sur les chiffres publiés. Ils observent aussi que la modélisation s’est raffinée ces dernières années et que les résultats gagnent en précision. Il reste toutefois beaucoup de travail à faire pour améliorer les projections relatives au pétrole de schiste et à la production de l’OPEP.
Source :
Henrik Wachtmeister, Petter Henke et Mikael Höök, Oil projections in retrospect : Revisions, accuracy and current uncertainty
NYOUZ2DÉS: ce que l’AIE ne calcule pas (comme les autres) c’est qu’il faut une infrastructure industrielle à base de pétrole pour produire du pétrole. Il faut de l’énergie pour produire de l’énergie (et, en fait, pour TOUT produire). Donc, si le pétrole devient plus rare (ce qu’il fait déjà, mais marginalement) cet événement produira des problèmes à la puissance 2 ou plus.
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