Quel est le niveau des émissions de CO2 liées aux activités de production pétrolière, plutôt qu’à la combustion du pétrole lui-même? La firme de scouting pétrolier Rystad a abordé la question lors d’un séminaire en ligne organisé à l’intention de l’industrie et d’observateurs, le 16 juillet dernier. Il apparaît que le mode d’extraction du pétrole fait une différence importante. Le torchage est également une source d’émissions majeure et les différences d’un pays à l’autre sont considérables.
L’intensité des émissions
Le premier tableau concerne l’intensité des émissions, c’est-à-dire le nombre de kilos de CO2 émis lors de l’extraction d’un baril de pétrole en fonction de la technique d’extraction. On parle souvent de « pétrole sale ». Le terme est quelque peu abusif, en ceci que tous les types de pétrole émettent la même quantité de carbone à la combustion. C’est à l’extraction qu’apparaissent les différences.
Le tableau nous fournit trois données pour le pétrole (en vert) et le gaz (en rouge). La première est le nombre de kilos émis par baril produit; le troisième, le nombre de barils produits selon cette technique dans le monde; et le deuxième, les émissions totales en millions de tonnes liées aux quantités produites. On observe que les sables bitumineux sont de loin les plus grands émetteurs. Le pétrole conventionnel vient loin derrière, qu’il soit extrait sur terre ou en mer. De manière inattendue, le pétrole de schiste est le moins émetteur de tous. S’il est polluant, c’est surtout en raison des liquides de fracturation toxiques que l’on injecte sous terre.
À l’exception des sables bitumineux, la plupart des gisements de pétrole contiennent une part de gaz naturel. Lorsqu’il est peu abondant, il est souvent plus commode de l’éliminer que d’essayer de le recueillir, de le transporter et de le raffiner. Le torchage (combustion au moyen de torchères) permet de convertir le méthane que recèle le gaz naturel en CO2, dont l’impact sur le climat est moins important. Le tableau montre que le torchage est une activité pratiquée à grande échelle, qui représente près de la moitié des émissions liées à l’extraction pétrolière.
Le tableau montre aussi qu’à l’échelle mondiale, les activités pétrolières conventionnelles sur la terre ferme sont de loin les plus émettrices de l’industrie. Ceci s’explique par le fait que ce pétrole représente encore un peu plus de la moitié de la production mondiale en dépit de son lent déclin.
La part du torchage
Le deuxième tableau s’intéresse de plus près au torchage. Il montre la part relative des émissions liées à l’extraction et de celles liées au torchage dans les 20 plus grands pays producteurs au monde. On voit que le torchage représente près de 90 % des émissions pétrolières en Algérie. À l’autre extrémité du spectre, cette proportion est de l’ordre de 5 % seulement au Canada. La moyenne mondiale est quelque peu inférieure à 40 %.
La récupération du gaz naturel mélangé au pétrole exige des équipements supplémentaires et implique donc des frais importants. Toutefois, le gaz naturel torché est une perte énergétique difficile à justifier dans un monde où les hydrocarbures se raréfient. Une meilleure récupération de ce gaz permettrait de réduire l’activité des puits gaziers spécialisés et donc, de réduire les émissions totales de CO2. On voit que certains pays sont allés très loin en ce sens (Arabie Saoudite, Brésil, Norvège, Canada) tandis que d’autres hésitent encore à investir (Algérie, Iran, Irak, Libye, Russie)
La situation au Canada
Le séminaire en ligne était centré sur la situation nord-américaine et a consacré beaucoup de temps à la situation pétrolière au Canada. Ce tableau montre l’intensité des émissions et les émissions totales pour les sables bitumineux, le pétrole conventionnel, le pétrole de schiste et le pétrole offshore au Canada. On voit que le bitume de l’Alberta représente la part du lion, tandis que la faible production extracôtière de Terre-Neuve ne représente pas grand-chose au final.
La production combinée des quatre segments (en millions de barils par jour) dépasse la production de pétrole totale du Canada (de l’ordre de 4,5 millions de barils par jour). Rystad n’a pas justifié ces chiffres, mais je crois que ses analystes ont converti la production gazière canadienne en équivalent pétrole et qu’ils l’ont ajouté à la production pétrolière au sens strict pour en arriver à ce résultat.
Bien que l’on parle peu du pétrole de schiste au Canada, Rystad a présenté des données montrant que les investissements dans le secteur du schiste sont plus élevés que ceux dans le bitume depuis trois ou quatre ans. En particulier, la région de Montney, à cheval sur l’Alberta et la Colombie-Britannique, est une zone de production gazière par fracturation hydraulique qui connaît une croissance rapide.
Source :
Rystad Energy. Canadian Virtual Information Session. 16 juillet 2020 (pas disponible en ligne)
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