Le nouveau mazout maritime entraînera une hausse du prix du diesel

À partir du 1er janvier 2020, la teneur maximale en soufre du mazout utilisé en transport maritime passera de 3,5 à 0,5 %, et ce, partout dans le monde. Cette décision, prise par l’Organisation maritime internationale en octobre 2016, était attendue depuis longtemps. Les oxydes de soufre émis lors de la combustion de ce mazout de faible qualité provoquent des maladies respiratoires et sont une source de pluies acides. Mais l’adoption d’un produit de meilleure qualité pose des problèmes logistiques qui se traduiront par une hausse de prix sur toute la chaîne du mazout et du diesel.

Pour se donner des points de repère, le diesel automobile a maintenant une teneur en soufre presque nulle, en raison de décisions prises par l’Union européenne dans les années 1990 et par les États-Unis en 2006. La norme automobile est de 15 parties de soufre par million aux États-Unis et de 10 ppm en Europe. En comparaison, la nouvelle norme maritime de 0,5 % équivaut à 5000 ppm, contre 35 000 auparavant.

Du point de vue des raffineurs, il y a deux manières de produire un mazout à faible teneur en soufre. La plus simple consiste à se procurer des bruts moins acides, donc moins soufrés à la base. L’ennui, c’est que ces bruts de qualité sont de plus en plus rares et donc, de plus en plus chers. À l’ère du pétrole extrême, une bonne partie du brut lourd est lourdement chargé en soufre et le transport maritime est un débouché de choix pour cette matière première abondante et vendue à moindre prix.

Soufre Alberta
Montagne de soufre extrait de bitume, an Alberta.

L’autre approche consiste à modifier les raffineries pour retirer plus de soufre en cours de traitement, mais cela exige des équipements très coûteux, dont le prix sera fatalement refilé à la clientèle. Et il y a peu de débouchés pour le soufre extrait, qui s’accumule parfois en énormes monticules près des raffineries. Au final, le prix du mazout va augmenter en raison de la forte demande pour du brut de qualité et du coût accru du raffinage.

Il y a des précédents. L’analyste pétrolier Robert Rapier rappelle qu’avant 2006, le diesel se détaillait environ un cent du litre de moins que l’essence aux États-Unis. Dans la décennie qui a suivi, le diesel s’est vendu six cents plus cher que l’essence en moyenne.

On pourra objecter que le mazout marin est un marché différent de celui du diesel automobile. Mais les ventes de diesel marin à haute teneur en soufre atteignent 3,5 millions de barils par jour, sur une production pétrolière mondiale d’environ 81 millions de barils. Il faudra bien remplacer ce carburant par quelque chose. Comme l’amélioration des raffineries semble en retard en raison de la complexité des changements à apporter, il y a aura donc une compétition accrue pour les bruts de qualité qui servent en ce moment à la fabrication du diesel. Il pourrait même manquer de mazout conforme aux normes pendant une période de transition.

Dans l’immédiat, le prix du carburant marin à 0,5 % de soufre connaît déjà une forte poussée. Son prix était de l’ordre de 200 dollars la tonne en 2012. Il est passé à environ 400 dollars en 2016 et il se transige actuellement à 731 dollars à moyenne. Et son usage n’est même pas encore obligatoire! On prévoit qu’en 2025, la tiers des navires brûleront encore du mazout à 3,5 %, mais en ajoutant des équipement de capture du soufre à la sortie des chaudières pour que les émissions restent dans les normes.

Qu’on se s’y trompe pas : la réduction de la teneur en soufre du mazout maritime est une excellente décision, qui aurait dû être prise il y a longtemps. Mais elle a aussi pour conséquence de modifier de délicats équilibres entre offre et demande pétrolière, avec des conséquences imprévisibles.

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