Compétitivité des carburants de synthèse pour le transport maritime en 2040

Le transport maritime international est actuellement responsable d’environ 2,1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre et de quantités considérables de polluants soufrés. Pourra-t-on bientôt remplacer le diesel par des carburants de synthèse? Une récente étude réalisée par l’Université technique de Lappeenranta, en Finlande, a évalué les coûts probables de divers carburants à l’horizon 2040 et a conclu à des prix de 10 à 25 % plus élevés que dans le contexte actuel. La différence est jouable avec une réglementation internationale appropriée.

Les alternatives envisageables au diesel sont le gaz naturel liquéfié, l’électricité, les biocarburants et les carburants de synthèse. Le gaz naturel liquéfié permet de supprimer les émissions de polluants soufrés, mais son impact sur les émissions de GES est très réduit, et nul si on tient compte des fuites prévisibles. L’électricité est hors de question, parce que les batteries disponibles n’offrent pas toute l’autonomie nécessaire à volume raisonnable. Les biocarburants ne conviennent pas non plus, non seulement parce que leur coût demeure très élevé et qu’ils entrent en compétition avec la production alimentaire, mais aussi parce que ceux produits à partir d’algues contiennent des éléments alcalins et halogènes, en plus de libérer beaucoup de poussière.

Restent les carburants de synthèse. On entend par là des carburants fabriqués à partir de CO2 capturé dans l’air et d’hydrogène extrait de l’eau de mer par électrolyse. Il s’agit essentiellement de diesel, de gaz naturel liquéfié, d’hydrogène et de méthanol synthétiques, dont la production est assurée par des sources d’énergie renouvelable (photovoltaïque et éolien). À la fois neutres en matière d’émission de GES et aussi commodes que les carburants fossiles, ces nouveaux carburants, encore peu utilisés à grande échelle, sont prometteurs pour l’industrie du transport maritime.

Comment ces carburants seront-ils utilisés? Chacun peut être utilisé aussi bien dans un moteur à combustion interne (ICE) que dans une pile à combustible (FC) – il en existe des variantes adaptées. Chaque option a ses avantages et ses inconvénients. Les grands moteurs à combustion interne sont moins chers à l’achat et offrent un rendement intéressant de 40 % environ. Les piles à combustible évaluées pour le transport maritime ont une efficacité d’environ 45 % et utilisent un carburant moins dispendieux, mais elles sont chères à l’achat et le combustible occupe beaucoup de place.

Ces carburants synthétiques sont peu utilisés pour le moment, mais la technologie existe. Les chercheurs ont utilisé le coût de revient mesuré en 2017 pour calculer les coûts d’utilisation de diverses technologies en 2030. Ils ont supposé une efficacité accrue de 10 % pour refaire le calcul pour 2040. Le calcul tient aussi de l’amélioration prévisible des techniques de production d’énergie renouvelable et des piles à combustible d’ici ces dates.

La quantité d’énergie renouvelable nécessaire ne semble pas poser de problèmes insurmontables non plus. Selon les données recueillies par les chercheurs, la capacité photovoltaïque et éolienne déjà en place dans un pays comme l’Argentine suffirait à couvrir les besoins en hydrogène de la flotte mondiale telle qu’elle se présentait en 2012 à un prix compris entre 38 et 49 € du MWh. D’autres régions du monde, comme le Maghreb, la Corne de l’Afrique et l’Australie occidentale, présentent aussi des combinaisons optimales de vent et de soleil.

LCOM ICE
Coût uniformisé de la mobilité en 2030 et 2040 pour les moteurs à combustion interne. Le diesel fossile, taxé ou non, sert de point de référence.

Pour permettre d’établir des comparaisons utiles entre les différents carburants utilisés sur moteur ou sur pile, les chercheurs ont calculé un coût uniformisé de la mobilité (LCOM), exprimé en euros par milliers de tonnes de port en lourd par kilomètre. Ce calcul est répété pour chaque carburant sur chaque type de motorisation (moteur et pile à combustible) pour trois types de navires, les navires de transport à courte distance, les navires de haute mer et les porte-conteneurs, qui se distinguent chacun par des besoins différents en matière de consommation et d’autonomie.

LCOM FC
Coût uniformisé de la mobilité en 2030 et 2040 pour les piles à combustible. Le diesel fossile, taxé ou non, sert de point de référence.

L’hydrogène et la pile à combustible semblent présenter un avantage sur les autres combinaisons, y compris le moteur à hydrogène, mais les chercheurs atténuent la portée de ces résultats pour les raisons suivantes :

  • La technologie des piles à combustible est encore mal maîtrisée, surtout dans le milieu maritime, ce qui accroît le degré d’incertitude les concernant.
  • L’hydrogène est le carburant de synthèse le moins coûteux, mais il est aussi celui qui occupe le plus d’espace par unité d’énergie, ce qui réduit l’espace disponible pour le fret.
  • Les piles à combustible sont plus chères à l’achat que les moteurs à combustion interne, un coût qui est moins bien amorti par les navires parcourant peu de distance.
Prix comparatif carburants
Coût relatif des différentes options de motorisation et de carburant sur divers types en navire, en utilisant le diesel fossile assorti d’une taxe sur le carbone comme base 100,

Il faut aussi noter que l’étude ne tient pas compte des coûteuses infrastructures qui seront nécessaires à la manipulation de carburants comme l’hydrogène et le méthanol, qui ne sont pas d’usage courant en ce moment. Ceci réduira forcément la compétitivité de ces deux carburants par rapport aux autres options, au moins initialement.

Les chercheurs concluent donc que la production de carburants synthétiques à partir d’énergies renouvelables permettra d’obtenir des carburants liquides neutres du point du vue carbone (exception faite des fuites) et pauvres en composés soufrés à l’horizon 2030-2040. Leur coût de revient sera d’environ 10-30 % supérieur à celui du diesel actuel, mais de beaucoup moins si l’on suppose que le diesel maritime serait tôt ou tard frappé d’une taxe sur les émissions de carbone.

 

Source :

Stephen Horvath, Mahdi Fasihi et Christian Breyer, Techno-economic analysis of a decarbonized shipping sector: Technology suggestions for a fleet in 2030 and 2040

 

3 réflexions sur “Compétitivité des carburants de synthèse pour le transport maritime en 2040”

  1. Philippe Gauthier se contente ici (comme souvent) de traduire une étude en anglais vers le français. Nous aurions aimé avoir une critique objective de cette étude (comme Jean-Marc Jancovici le fait si bien). Il n’y en a pas. Par exemple, fabriquer de l’énergie plutôt que de simplement la pomper (comme le pétrole) n’est pas crédible. Dépenser 4000 watts d’énergie pour en produire 1000 (cas de l’hydrogène avec l’électrolyse) n’est pas crédible.
    On veut de la critique et de l’analyse dans les textes. Il n’y en a pas. Ce texte est donc médiocre.

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    1. Jean-Pierre, vous avez un argumentaire crédible, Sachez qu’il a déjà été démontré que l’électrolyse à haute température permet de produire de l’hydrogène à plus de 90% d’efficacité et que les piles à combustible modernes je parle des PEM ici ont un rendement supérieur à 60% (googler rendement Hydrogène CEA, vous verrez bien) . De plus sur un navire on pourrait plutôt utiliser des piles SOFC dont le rendement est supérieur à 80%. ce qui donne un rendement global de plus de 70% tout en fournissant toute la chaleur nécessaire permettant de sauver de l’énergie.
      Les coûts des piles à combustibles seront en fait inférieur à tout moteur à compter de 2025 dû à la production en chaîne. Les batteries ont pu en profiter pour réduire leur coûts et maintenant que la production des PAC s’amorcent, ce sera leur tour. https://www.breezcar.com/actualites/article/toyota-bmw-troisieme-generation-pile-a-combustible-0118
      http://www.natura-sciences.com/energie/pile-a-combustible-voiture-hydrogene529.html
      Vous ne pouvez accepter les conclusion de cet article car ils démontrent que l’hydrogène sort vainqueur, vous ne pouvez que nous fournir un argument bidon en ignorant les tendances. Les batteries sont bien loin d’être les seules à bénéficier de R&D, en fait les piles à combustibles bénéficient de plus de moyens et progressent.
      Le célèbre argument du Platine est aussi réglé étant donné la diminution fort importante de la quantité de Platine nécessaire ce qui diminue d’autrement les coûts. La quantité est en fait inférieure au platine utilisé dans le catalyseur d’une automobile actuelle donc aucune augmentation à passer d’un modèle à combustion interne à une PAC. Si on choisi une SOFC, aucun besoin de Platine.

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      1. Ce qui tu l’hydrogène dans le cas du transport maritime, c’est l’espace qu’il prend. L’étude montre que sur un bateau de bonne taille faisant du transport à longue distance, le choix de l’hydrogène peut prendre jusqu’à 13% de l’espace cargo, ce qui est inacceptable. De plus, l’hydrogène présente de sérieux risques de fuite et d’explosion en espace clos, ce qui est un grand risque aussi.Un diesel de synthèse est peu inflammable et ne prend pas plus d’espace qu’un carburant ordinaire, en plus de se transférer dans les navires avec l’équipement existant. Je crois que ceci obtiendra plus facilement l’adhésion de l’industrie du transport maritime.

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