Il est difficile de parler de l’épuisement des ressources. D’une part, les méthodes de calcul ne sont pas normalisées et donnent des résultats disparates. D’autre part, les méthodes basées seulement sur les réserves ne tiennent pas compte de la pression créée par la demande croissante, les problèmes de débit et l’impact écologique de l’extraction. C’est pour utiliser une méthodologie uniforme et combler ces manques que des chercheurs préconisent maintenant le recours au concept de « criticité ».
Jusqu’au milieu du XXe siècle, on n’exploitait qu’un petit nombre de métaux courants, comme le fer, le cuivre ou l’aluminium. Leur disponibilité n’était pas considérée comme un enjeu. Le Rapport Paley, en 1952, fut le premier à suggérer qu’il existait peut-être des limites. Dix ans plus tard, la guerre civile congolaise provoquait une rupture brutale des approvisionnements en cobalt (déjà!). La technologie moderne repose maintenant sur presque tous les éléments du tableau périodiques, dont les plus utiles sont souvent les plus rares.

Critères de criticité
Dans un article publié en 2015, Thomas E. Graendel, de l’Université Yale, aux États-Unis, décrit une méthode uniformisée pour calculer cette criticité. Le détail de cette méthode ne nous concerne pas ici, mais les résultats appliqués à 62 métaux du tableau périodique, permettent de distinguer trois groupes de métaux critiques :
- Dans les métaux importants en électronique, comme le gallium et le sélénium, les limites sont surtout liées à la sécurité de l’approvisionnement, c’est-à-dire que la ressource est limitée par rapport à la demande.
- L’or, le mercure et les métaux du groupe platine présentent surtout des risques environnementaux liés aux méthodes d’extraction et de raffinage.
- Les éléments utilisés dans les alliages d’acier, comme le chrome, le niobium, le tungstène et le molybdène, ont des problèmes de restriction d’approvisionnement, c’est-à-dire que les réserves conviennent pour le moment, mais que le débit de production est insuffisant.
« Nous trouvons, écrit Graendel, que les métaux les plus préoccupants sont ceux qui présentent ces trois caractéristiques : ils sont proposés largement ou entièrement à titre de sous-produits, ils sont utilisés en petites quantités dans des applications très spécialisées et il n’en existe aucun substitut efficace. » Les sous-produits sont des métaux que l’on n’exploite pas pour eux-mêmes dans des mines distinctes, mais ceux que l’on raffine à partir de minerais plus courants, comme ceux du cuivre, du nickel ou de l’aluminium.

Le palmarès
La méthode proposée par Graendel permet de déterminer une criticité « absolue », tenant compte de tous les facteurs. Mais elle permet aussi, et c’est intéressant, de déterminer la criticité selon trois critères de base.
En ce qui concerne la sécurité de l’approvisionnement, les métaux les plus à risque sont l’indium, l’arsenic, l’antimoine, le thallium, l’argent, le sélénium, le cadmium et le bismuth. Le cobalt, dont on parle beaucoup ces temps-ci, ne représente qu’un risque moyen – ce qui donne une idée de l’ampleur du problème affectant les métaux les plus critiques.
En matière de risque environnemental, les métaux critiques sont d’abord le rhodium, suivi de l’or, le platine, le palladium et le mercure.
Pour ce qui est de restrictions sur l’approvisionnement (débit de production), les problèmes se situent surtout au niveau du thallium, du plomb, du rhodium, du manganèse, de l’arsenic, de l’or, du rhénium et du platine.
Quelques métaux présentent une forte criticité sur tous les aspects, soit l’indium, l’arsenic, le thallium, l’antimoine, l’argent et le sélénium, tous des métaux importants en électronique et dans les technologies photovoltaïques à film mince. D’autres métaux se distinguent par le fait qu’il est difficile de leur trouver des substituts. Il s’agit du magnésium, du chrome, du manganèse, du rhodium, de l’yttrium et de divers métaux du groupe des terres rares.
Source :
Graendel et alli, Criticality of metals and metalloids
Et oui, l’écologie n’est plus seulement une option politique, nous allons dans le mur des pénuries…
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