La crise de la covid-19 n’a pas d’effets nets sur la consommation d’électricité aux États-Unis selon une étude récente du National Bureau of Economic Research, un organisme réputé se consacrant à la recherche économique. La demande des secteurs commercial et industriel a bel et bien diminué de manière importante, mais cette baisse a été compensée par une augmentation de la consommation résidentielle liée au télétravail. Qui plus est, les individus assument désormais le coût de cette énergie.
L’étude a été menée par l’économiste Steve Cicala, de l’Université Tufts, au Massachusetts. Le chercheur a utilisé deux ensembles de données. Le premier porte sur la consommation d’électricité au Texas en avril et mai, dont les variations sont mesurées sur une base horaire et comparées à la même période en 2019. Ceci permet de voir s’il y a un lien entre les heures de travail et les variations de la demande. Le second ensemble porte sur les 48 États américains continentaux et compare les trois mois du second trimestre de 2020 au mois de février, qui sert de point de comparaison. Tous ces renseignements sont croisés avec d’autres données pour éliminer les variations non reliées à l’épidémie, comme les aléas de la météo, par exemple.
Les données horaires
Les données horaires recueillies au Texas montrent de grands changements dans les profils de consommation d’électricité résidentielle. En temps normal, la consommation tend à être plus élevée le jour pendant les weekends, tandis que les jours de semaine montrent une pointe de consommation vers 7 h lorsque les gens se préparent à aller travailler et en début de soirée, à leur retour. En période de pandémie, cette pointe matinale disparaît, de même que les différences entre semaine et weekend – du point de vue de la consommation électrique, tous les jours présentent désormais le profil d’un dimanche.
La consommation électrique commerciale et industrielle est normalement à son plus haut niveau du lundi au vendredi entre 9 h et 17 h, avec un pic secondaire en début de soirée. Ce profil de consommation se maintient en 2020, mais à un niveau 16 % plus bas qu’en 2019.
Les données mensuelles
Les données pour les trois mois du second trimestre de 2020 montrent d’importantes variations du niveau de consommation par rapport à 2019. La demande commerciale a chuté de 12 % et la demande industrielle, de 14 %. Cette baisse est toutefois compensée par une hausse de 10% de la consommation résidentielle en moyenne. En combinant les trois secteurs, on observe une diminution de la demande de 3,5 % seulement, ce qui est peu par rapport à la chute du PIB de 32,9 % mesurée au même moment.
Le chercheur a eu l’idée de comparer ces résultats avec ceux mesurés dans la foulée de la récession de 2008. La consommation commerciale avait alors chuté d’environ 10 %, contre de 10 à 15 % dans le secteur industriel. Cette diminution avait toutefois mis une année entière à s’installer, tandis que dans le cas de la covid-19, le choc a été immédiat. Autre différence importante : la consommation résidentielle n’a pas bougé en 2008 tandis qu’elle a fait un bond marqué en 2020.
Analyse des résultats
La consommation résidentielle mensuelle montre des variations régionales importantes. Le record est détenu par la Californie, où elle a augmenté de 40 %. La Nouvelle-Angleterre et l’Illinois ont aussi connu des hausses de la consommation résidentielle nettement au-dessus de la moyenne. Par contre, les États des Appalaches et du centre-sud n’ont connu que des hausses minimes. Ces variations régionales semblent correspondre à l’importance du télétravail dans chacun de ces territoires. Les zones urbaines ont vu une croissance de la consommation résidentielle de 10 % supérieure à la moyenne nationale.
Le chercheur estime que cette hausse de 10 % de la consommation résidentielle a eu pour effet d’augmenter la facture d’électricité des ménages de 10,59 dollars par mois en moyenne entre avril et juillet 2020. Comme il existe 137 millions de clients résidentiels au pays, on peut estimer que la facture supplémentaire pour les citoyens américains totalise 1,5 milliard de dollars par mois. Dans les régions où les prix de l’électricité sont les plus élevés et où la consommation a le plus augmenté, l’augmentation de la facture mensuelle peut atteindre 50 dollars.
Ces résultats suggèrent que le télétravail représente un transfert de la facture énergétique des entreprises vers les travailleurs. Steve Cicala observe aussi qu’il faut plus d’énergie pour chauffer ou climatiser une maison entière plutôt qu’un simple espace de bureau. Pour cette raison, le télétravail pourrait s’avérer moins vert que ne laisse croire la diminution des déplacements quotidiens, d’autant plus que le gaz naturel reste le mode de chauffage le plus courant aux États-Unis. Dans l’ensemble, l’économie américaine a perdu en efficacité, puisque la consommation énergétique est restée à peu près stable alors que la production s’effondrait.
Source :
Steve Cicala, Powering Work from Home, NBER Working Paper 27937
Très intéressant, merci.
Deux coquilles :
« Les données horaires recueillies [au] Texas »
« Les zones urbaines ont vu une croissance [de] la consommation résidentielle »
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Bien vu, j’ai corrigé. Merci.
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