L’Alberta vend-il son pétrole à perte?

Le prix du pétrole de l’Alberta a plongé à 11,43 dollars le baril le 20 novembre dernier. En fait, il s’est négocié à des prix exceptionnellement bas pendant tout l’automne, au point que les analystes se demandent s’il ne s’est pas vendu à perte à certaines occasions compte tenu de tous les frais. Cette situation s’explique par plusieurs raisons dont certaines sont temporaires, mais d’autres structurelles.

Alberta Oil

Tout d’abord, il convient expliquer le mécanisme des prix du pétrole. Le cours du WTI était de 53,39 dollars le 20 novembre. Mais pourquoi le pétrole de l’Alberta se vendait-il moins cher que le prix de référence? Il faut comprendre que ce prix est celui payé pour un grade précis de pétrole (le Western Texas Intermediate, ou WTI), une fois livré dans les raffineries du Texas.

Le pétrole de l’Alberta étant d’un grade inférieur, il se vend normalement de 10 à 15 dollars sous le cours du WTI. De plus, le prix du transport pèse lourdement sur le prix réellement payé à la raffinerie. Le prix du transport a explosé depuis l’été dernier, de sorte que l’écart entre le WTI et le prix payé pour le brut albertain a parfois atteint 50 dollars cet automne.

Le manque de transport est en cause. Les pipelines existants sont utilisés au maximum, tandis que la production de pétrole en Alberta est passée de 2,1 millions de barils par jour en janvier à 2,3 millions de barils en novembre. En conséquence, les quantités transportées par rail ont bondi de 144 000 barils par jour en janvier à 270 000 en septembre. Le transport par rail coûte de 12 à 20 dollars le baril, contre 5 à 13 dollars dans un pipeline.

Un malheur n’arrivant jamais seul, un grand nombre de raffineries américaines s’approvisionnant en Alberta sont actuellement fermées pour effectuer leur entretien de routine. Les raffineries du Midest, en particulier, ne produisaient qu’à 73 % de leur capacité à la fin d’octobre, leur taux d’utilisation le plus bas depuis 1985. Ce manque de demande a fait chuter le prix payé pour le brut. La situation devrait graduellement revenir à la normale, d’autant plus que la nouvelle raffinerie Sturgeon, en construction près d’Edmonton, devrait être pleinement opérationnelle d’ici quelques mois.

En attendant, le pétrole à 11 dollars saigne à blanc l’industrie pétrolière albertaine. Ce prix ne couvre probablement même pas le coût du diluant utilisé pour transporter le bitume, qui est pratiquement solide à l’état brut. Pour ne rien dire des autres coûts de production. Autrement dit, l’Alberta produit fort probablement à perte en ce moment.

L’industrie montre de sérieux signes de panique. En novembre, Alex Pourbaix, président de Cenobus Energy, a demandé au gouvernement de l’Alberta d’oublier un moment les principes de liberté de marché et de légiférer pour limiter la production à des niveaux permettant d’obtenir de meilleurs prix. Il s’agirait, selon lui, du seul moyen d’empêcher « une catastrophe économique globale ».

Les problèmes de capacité de raffinage se régleront d’eux-mêmes d’ici quelques semaines, ce qui devrait permettre une certaine remontée des prix. Mais pour l’industrie, la solution passe par la construction de nouveaux pipelines, soit celui de Transmoutain à travers les Rocheuses ou mieux encore, un tracé traversant le Midwest et permettant de livrer directement aux raffineries du Texas. Celles-ci paient actuellement 60 dollars le brut Maya, d’une qualité comparable à celle du bitume de l’Alberta.

Source :

The Economist, Why is Alberta’s Oil so Cheap?

10 réflexions sur “L’Alberta vend-il son pétrole à perte?”

    1. C’est difficile de réduire sa production dans la mesure où il y a, tous les mois, des frais à payer et des crédits à rembourser.
      Vendre à perte, c’est réussir rembourser ses crédits, une partie de ses frais et s’il manque de l’argent refaire d’autres crédits pour payer les frais, et continuer à exister dans l’espoir que l’avenir s’améliore et que les profits deviennent suffisant pour devenir rentable.

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      1. Comme je le disais, il était à 11 $ le 20 novembre, mais d’habitude, c’est entre 25 et 40 $, selon le pris du WTI. Le prix est ajusté selon le transport, donc en pratique c’est le vendeur qui le paie, pas l’acheteur.

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