Dans un rapport rendu public aujourd’hui, le groupe écologiste Équiterre s’inquiète de la sécurité des pipelines au Canada, et plus particulièrement au Québec. En dépit des assurances du gouvernement et de l’industrie, le nombre d’incidents – y compris de déversements – augmente. Pas moins de 55 % des incidents rapportés au Québec depuis 2008 sont survenus durant la seule année 2017. Selon Équiterre, les technologies de surveillance fonctionnent mal et la réglementation est peu ou pas appliquée.
Le rapport dresse d’abord un rapide bilan de la sécurité des pipelines au Canada. À l’échelle nationale, y a eu 173 incidents en 2017 contre 122 en 2016. Le Québec n’est pas la seule province où 2017 a été une année record. On fait le même constat en Colombie-Britannique et en Alberta. En Ontario, c’est en 2016 que le nombre record d’incidents a été enregistré. La sécurité des pipelines semble donc s’être sérieusement dégradée ces dernières années.

Entre 2004 et 2017, le Québec a enregistré plus d’une centaine d’incidents sur ses pipelines, dont 23 ont impliqué des déversements de pétrole brut ou raffiné pour un volume total de près de 1 000 barils. Pas moins de 86 % de ces incidents ont touché les oléoducs, les gazoducs présentant un bien meilleur bilan. Une grande partie de ces incidents sont survenus sur l’oléoduc Trans-Nord, dont le lamentable bilan semble s’aggraver.
Entre janvier 2004 et décembre 2017, ce pipeline, qui transporte chaque jour 172 900 barils de pétrole raffiné du Québec vers l’Ontario, a connu 79 incidents. Qui plus est, le délai entre les incidents et leur déclaration à l’Office national de l’énergie ne se compte pas en jours ou en semaines, mais parfois en mois ou en années. Les données du Bureau de la sécurité des transports montrent que 75 % de ces incidents sont survenus sur la canalisation de l’oléoduc plutôt que sur d’autres composantes comme les stations de pompage ou les valves.
Ce mauvais bilan semble de plus relié à un manque d’expertise et à une trop grande dépendance envers les technologies. « Les données de l’ONÉ, écrit Équiterre, indiquent en outre que la majeure partie de ces incidents pipeliniers, soit 70 %, sont dus en partie à des problèmes de conception ou de planification. Les données fédérales montrent enfin que le système SCADA tant vanté par l’industrie et les gouvernements n’a détecté, selon la source consultée, que 39 ou 49 % des déversements et des incidents liés à l’oléoduc Trans-Nord. »
La sécurité des oléoducs qui traversent des frontières internationales ou interprovinciales dépend de l’Office national de l’énergie et du Bureau de la sécurité des transports. Mais ces deux organismes fédéraux rapportent les accidents de manière différente, produisant des séries de données reposant sur des règles de déclaration et des calendriers différents. Les résultats divergent souvent, ce qui complique l’évaluation des efforts en matière de sécurité des pipelines.
Par ailleurs, ces organismes font mollement appliquer les règlements. L’Office national de l’énergie a délivré de nombreuses ordonnances de sécurité pour l’oléoduc Trans-Nord depuis 2010, mais ceci n’a pas empêché le nombre d’incidents d’augmenter. Le fédéral n’a imposé aucune amende à ce pipeline problématique depuis 2012 et du côté de Québec, on n’a imposé qu’une seule sanction de 2 500 $.
Pour Équiterre, il n’y a pas besoin de chercher très loin les causes du désastreux bilan de sécurité des pipelines en exploitation au Québec : « D’une part, les affirmations concernant les systèmes de sécurité de « classe mondiale » et les techniques « de pointe » ne sont guère plus que de futiles slogans publicitaires. D’autre part, l’application laxiste des lois et des règlements fédéraux et provinciaux fait en sorte que les oléoducs continuent de représenter un risque inacceptable pour le Québec et les autres territoires. »
Source :
Équiterre, Failles inquiétantes sur la sécurité des pipelines au Canada