Le modèle de transition de Jacobson inapplicable en Angleterre

L’automne dernier, le controversé professeur Mark Z.Jacobson, de l’Université Stanford, publiait un plan de transition vers une énergie décarbonée pour 139 pays. Une récente analyse réalisée par Clara Franziska Heuberger du Imperial College de Londres conclut que le projet de Jacobson néglige de nombreux facteurs et qu’il exposerait l’Angleterre à de fréquents black-out. Les modèles de transition, souligne la chercheure, sont conçus pour répondre à des questions précises et leurs résultats s’avèrent souvent inapplicables en conditions réelles.

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Les zones grises représentent les déficits de production sur une base horaire.

L’étude prend comme point de départ le plan de transition proposé par Jacobson pour l’Angleterre en 2050, qui comporte très précisément 13,13 % d’éolien terrestre, 35,57 % d’éolien marin, 2,49 % d’énergie houlomotrice, 0,54 % d’hydroélectricité, 1,80 % d’énergie marémotrice, 3,5 % de photovoltaïque résidentiel, 2,76% de PV commercial/institutionnel et 40,22 % de grands parcs PV. En appliquant ces grandes orientations à un modèle plus précis, Heuberger conclut qu’au moins 9 % de la demande en électricité du pays resterait non satisfaite.

La différence s’explique par l’attention accrue portée par Heuberger à des questions comme les creux de production liés à l’intermittence, les pics de demande et les limites du réseau de transport, qui font en sorte que l’électricité produite en surplus quelque part ne peut pas forcément être acheminée là où il y a de la demande. Ses calculs montrent qu’il peut manquer jusqu’à 33 % d’électricité selon les normes actuelles et que même des mesures comme la gestion de la demande ne réduisent pas le déficit sous la barre des 9 %.

Est-ce à dire que Jacobson a tout faux? Pas forcément. Mais il faut comprendre, insiste Heuberger, que les modèles ont toujours leurs limites et qu’elles supposent souvent qu’une région a accès des sources diversifiées d’énergies renouvelables et qu’elle est bien reliée aux régions voisines. Ou alors, ils portent sur des régions relativement petites et à faible densité de population. Utiles dans des contextes précis, ces études ne peuvent pas être élargies sans précautions à l’ensemble d’un système, comme le font trop souvent les politiciens et les militants.

L’étude convient qu’une production énergétique 100% renouvelable est possible dans de nombreux cas, mais qu’en pratique, plus la part des renouvelables augmente, plus l’intermittence pose des problèmes opérationnels difficiles à résoudre. La solution la plus courante actuellement consiste à utiliser les vieux systèmes à énergie fossile pour gérer les pics de demande et les creux de production. Leur déclin force toutefois le recours à des pratiques plus coûteuses et longues à mettre en place, comme l’expansion du réseau de transmission et le stockage des surplus.

En somme, conclut l’étude, beaucoup de modèles actuels – dont celui de Jacobson – ne s’intéressent qu’aux possibilités de réduction des émissions de carbone et ne s’attachent pas assez à la question de la sécurité de l’approvisionnement. Les approches « intelligentes » et intégrées de la demande atténuent le problème, mais sans le régler complètement.

« La présentation de scénarios qui ne tiennent pas adéquatement compte de la fiabilité systémique et des enjeux opérationnels, écrit Heuberger, risque d’induire les décideurs et le public en erreur, ce qui peut possiblement mener à une mauvaise utilisation du capital politique et financier et retarder une transition efficace vers une économie décarbonée. »

Sources :

 

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