Le Mexique est devenu un importateur net de pétrole

C’est une nouvelle importante, mais qui est passée inaperçue dans la presse. Le Mexique est passé du statut d’exportateur net à celui d’importateur net de pétrole en novembre 2018. C’est une première en plus de 50 ans pour ce pays, qui était encore l’un des principaux exportateurs mondiaux il y a 15 ans à peine. En plus d’amorcer une ère d’incertitude pour ce pays à l’économie déjà fragile, ce renversement confirme aussi que la déplétion pétrolière est partout à l’œuvre.

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Le pétrole mexicain, des origines à Cantarell

Les débuts de l’industrie pétrolière mexicaine remontent à 1882, mais les débuts sont lents et la production est de l’ordre d’à peine 10 000 barils par année en 1901. Elle bondit toutefois à 3,9 millions en 1908, 55 millions en 1917 et 193 millions en 1921. À la veille de la Première Guerre mondiale, le Mexique est le deuxième producteur mondial de pétrole, après les États-Unis. Il est également le premier pays à nationaliser sa production, en 1938.

L’industrie pétrolière mexicaine a connu plusieurs cycles. Celui qui s’achève a commencé en 1976 avec la découverte du champ pétrolier géant de Cantarell, dans le golfe du Mexique. Sa découverte a permis de faire passer le production pétrolière mexicaine totale d’un maigre 894 000 barils par jour, en 1976, à un sommet de 3,8 millions de barils en 2004.

Rapidement mis en exploitation, Cantarell produit à lui seul 1,16 million de barils dès 1981, mais retombe à un million de barils en 1995. Réagissant à ce déclin prématuré, Pemex, la firme pétrolière mexicaine, injecte de l’azote dans les puits à partir de 2000. Cette méthode augmente la pression dans le sous-sol et facilite l’extraction du pétrole. Les résultats ne se font pas attendre. Cantarell produit un record de 2,1 millions de barils en 2004.

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L’effondrement de Cantarell et la chute de la production

Mais les réserves de Cantarell ne sont pas illimitées et dans les années qui suivent, la production chute au rythme affolant de 14 % par année en moyenne. En général, le rythme de déclin des champs pétroliers est de l’ordre de 5 % par année. Que s’est-il passé? La production de Cantarell a été soutenue de manière très efficace par divers moyens, dont l’injection d’azote. Cela a évité le lent déclin que l’on observe généralement, mais cela signifie aussi qu’une fois la réserve épuisée, la production s’est effondrée de manière très brutale.

En 2018, la production du champ pétrolier n’est plus que de 135 000 barils par jour. Les exportations du Mexique s’en ressentent. Elles atteignent 1,8 million de barils par jour en 2004, mais ne sont plus que de 314 000 barils en 2017. En décembre 2018, la production totale du pays (ce qui reste de Cantarell et les autres champs) n’est plus que de 1,94 million de barils par jour, tandis que la consommation intérieure a atteint 2,03 millions de barils. Le Mexique n’exporte donc plus de pétrole, mais en importe au contraire 90 000 barils par jour.

Il demeure possible que la production pétrolière mexicaine connaisse de légers sursauts ces prochaines années. Mais à moins d’une découverte majeure – et elles se font très rares – le Mexique semble destiné à demeurer non pas un exportateur, mais un importateur de pétrole.

Source :

Next Oil Domino To Fall? Mexico Becomes A Net Oil Importer

5 réflexions sur “Le Mexique est devenu un importateur net de pétrole”

  1. Bonjour M. Gauthier,
    Je suppose que vous êtes aussi tombé sur la nouvelle, Aramco aurait enfin dévoilé la production actuelle et réelle du champ de Ghawar. On est loin des 5.8 mbj qu’on trouvait encore dans la littérature récente, on serait plutôt à 3.8 mbj avec beaucoup de puits qui vont de l’EOR (enhanced oil recovery) avec injection des eaux produites plus polymères et gaz associés, donc bien plus d’investissement qu’auparavant.

    https://www.capital.fr/entreprises-marches/petrole-le-plus-grand-gisement-du-monde-nest-plus-en-arabie-saoudite-1333949

    Le déclin dans la production associée avec une consommation intérieure élevée pousserait t-il les autorités séoudiennes à accélérer leur plan électronucléaire?

    https://www.courrierinternational.com/article/energie-le-premier-reacteur-nucleaire-darabie-saoudite-sur-le-point-detre-acheve

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    1. Oui, j’ai vu ça, mais je n’en fais pas beaucoup de cas. Les experts s’intéressent au déclin de Ghawar depuis 20 ans et personne ne croyait sérieusement aux chiffres d’Aramco. Les nouvelles données ne font que confirmer ce dont tout le monde se doutait depuis belle lurette. De plus, Ghawar a une géologie exceptionnelle. Le champ est loin d’être vide et son déclin sera très, très lent. Rien à voir avec Cantarell plus petit, moins intéressant géologiquement et exploité avec beaucoup moins de doigté que Ghawar.

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