L’épidémie en train de se stabiliser

L’expert pétrolier Jean Laherrère a eu l’idée d’appliquer à la Covid-19 les méthodes d’analyse qu’il utilise pour prévoir l’échéance du pic pétrolier. Selon lui, l’épidémie serait proche de son sommet ou l’aurait déjà dépassé en France, en Italie et en Espagne. Sa méthode lui permet aussi d’estimer le nombre de morts que fera ultimement la maladie dans divers pays – entre 5 000 et 10 000 en France.

Jean Laherrère a fait ses calculs en se servant de la linéarisation de Hubbert, popularisée par l’ingénieur pétrolier M. King Hubbert dans les années 1970 et 1980. Les détails ne nous intéressent pas ici, mais la technique permet d’établir une correspondance entre des données pétrolières mesurées et une courbe logistique pour mesurer le futur de la production. Elle permet également de déterminer quelle sera la production totale de pétrole sur l’ensemble de la période de production (l’ultime, noté U) et, en y appliquant un taux de déclin, de déterminer la date de la fin de la production.

Covid-Laherrère
Une partie des données, telles que publiées par Jean Laherrère.

Dans le cas qui nous intéresse, l’analyste mesure le nombre ultime de morts à la fin de la crise. Plutôt que de partir du nombre de cas déclarés de Covid-19, qui est trop approximatif, il se base sur le nombre d’admissions en réanimation, qui est plus précis. Il établit un rapport entre le nombre de réanimations et le nombre de décès, puis mesure les tendances d’admissions en réanimation pour savoir à quel point de la courbe logistique on se situe. Dans plusieurs cas, il est également capable d’estimer la date du pic des admissions.

Ses résultats pour divers pays européens sont résumés dans le tableau ci-dessous. Comme il subsiste un certain doute sur l’exactitude des données disponibles, il faut y voir des ordres de grandeur plutôt que des projections exactes. Il faut aussi comprendre que cela ne concerne que la situation actuelle. Si l’on connaissait plus tard une « deuxième vague » après la levée des mesures de confinement, le nombre d’admissions en réanimation repartirait à la hausse et il faudrait tracer une deuxième courbe après la première.

Covid Tableau HL

Jean Laherrère, sans pouvoir l’expliquer, observe que le nombre de réanimations est très similaire en France, en Italie et en Espagne, mais que le nombre de décès à prévoir est moitié moins élevé en France. Il se peut que cela soit le résultat de l’organisation différente des services de soins. Au Royaume-Uni, le nombre de décès tend vers les 6 000 si l’on tient compte de toute la période, mais les données de deux derniers jours seulement tendent… vers l’infini! Les données américaines laissent également beaucoup de place à l’erreur en ce moment.

Détail intéressant, le nombre relativement modéré de décès que prévoit Jean Laherrère correspond d’assez près aux projections mondiales de Rystad Energy publiées hier dans ce blogue. Rystad s’attend à un très grand nombre de personnes atteintes – la plupart faiblement – mais prévoit moins de 100 000 décès directs dans le monde à l’horizon du premier mai. La tragédie qui se dessine en Inde pourrait toutefois alourdir ce bilan en raison d’une prise en charge médicale insuffisante.

Sources :

12 réflexions sur “L’épidémie en train de se stabiliser”

  1. intéressant sur la méthode mais pas du tout (du tout) conclusif : la France va dépasser la moyenne basse des morts annoncés ici dans les jours qui viennent, et le delta va du simple au double ! une simple interpolation linéaire aurait fait mieux.

    la Suède est annoncée anormalement basse dans ces chiffres, ce qui jette là aussi une ombre sur la méthode. Elle a gagné ses premiers « plus de 100 morts/jour » hier, difficile d’imaginer qu’avec sa (non)-stratégie de confinement, elle se contente de 600 décès, alors que ça commence à peine là bas et qu’elle est passé en 24H de 146 à 252 morts.
    Elle aura donc dépassé les valeurs du calcul en 2,5 jours … et en ignorant l’exponentielle.

    Peut être est-ce juste que le calcul a été effectué trop tôt, a retenter donc avec les données les plus récentes. Mais on dirait qu’il manque THE indice permettant d’aboutir a un résultat plus proche du réel.

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    1. Je ne sais pas. Le nombre de nouveaux cas chute très vite en ce moment, donc il faut s’attendre à ce que le nombre de mort chute très vite aussi après quelques jours de délai. C’est pourquoi Laherrère cherche tant à déterminer la date du pic., qui semble derrière nous dans plusieurs cas. Dans le cas de la Suède, Laherrère reconnaît que sa tâche est compliquée par le fait qu’il n’y a pas de tendance claire; il parle de «plateau ondulant» dans ce cas. Mais comme je le disais, le nombre exact importe peu: ce qui est intéressant, ce sont les ordres de grandeur. Même si la France se rend ultimement à 15,000 ou 20,000 mort, la possibilité d’une mortalité vraiment massive (dans les centaines de milliers de morts) semble définitivement écartée.

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      1. Selon les statistiques les plus communément partagées sur le Covid-19, entre 30% (mini) et 50% des individus intubés décèderont.

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  2. « Jean Laherrère, sans pouvoir l’expliquer, observe que le nombre de réanimations est très similaire en France, en Italie et en Espagne, mais que le nombre de décès à prévoir est moitié moins élevé en France. Il se peut que cela soit le résultat de l’organisation différente des services de soins. »

    Quel génie ce Jean !

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    1. La deuxième phrase constitue une interprétation possible de ma part, non pas celle de Laherrère. Donc s’il y a un génie ici, c’est moi. Mais blague à part, il y a des lecteurs moins au courant que vous et il est utile de leur proposer des pistes.

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  3. Je suis effaré de lire des énormités pareilles… outre le fait que ses propres chiffres du 2 avril contredisent les courbes de prévisions de l’auteur, il ne lui est pas venu à l’esprit que le « pic » de patients en réa ou le ralentissement de leur augmentation correspondent hélas à rien d’autre qu’au fait qu’on atteint le maximum de la capacité hospitalière??
    Franchement c’est grave de publier des choses comme ça. On est hélas loin du pic en France avec à peine la moitié des régions vraiment touchées. On a déjà atteint le nombre total de morts prévu par la fourchette basse de l’article (5000) alors qu’on n’est même pas au pic…

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    1. L’auteur reconnaît lui-même les limites de ses données, mais le calcul a au moins le mérite de nous donner des ordres de grandeur, même approximatifs. Par ailleurs, un partie de votre critique repose sur l’idée que ses chiffres sont impossibles, parce que l’épidémie est encore en croissance exponentielle en France. Ce n’est pas si évident, parce qu’on voit le nombre de nouveaux cas plafonner en Italie et en Espagne; la France ne doit pas être loin derrière. L’imposition du confinement a été soudaine, donc la diminution du nombre de cas devrait être assez soudaine elle aussi. À moins de présumer que le confinement est inefficace, ce qui serait décourageant.

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    2. Trop rapide, cher Monsieur,
      Les capacités max ne sont atteintes quasi nulle part en France, du fait des transferts de patients. Donc, je soutiens totalement l’idée que L’INDICATEUR majeur témoignant de l’intensité de l’épidémie est celui des admissions / jour par territoire concerné (même si je ne connais pas la fonction logistique utilisée). Allez-y : faites les calculs tous territoires et vous verrez avec ébahissement ce que peu disent : depuis 4 jours nous ne montons plus nulle part…
      Donc avant de critiquer prendre au moins sa calculette…

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  4. Bonjour,
    De mon côté je travaille sur le ratio des décès d’une semaine sur l’autre. Pour faire court aujourd’hui
    1) les USA ont un taux de 4 (5423 décès sur les sept derniers jours et 1337 sur les sept jours précédents, 5423/1337 = 4.06). L’Italie a maintenant un taux de 1.09 (ce taux descend avec le confinement).
    2) Le nombre de décès total en Italie est de 14681, le nombre de décès final sera donc encore plus grand. Le nombre de décès total de l’Italie au moment où elle passait par la valeur 4 était de 2200.
    3) Le nombre de décès total aux USA est maintenant de 7 000. Si l’on suppose que les courbes se comportent de façon homothétique alors lorsque les USA descendront à 1, ils auront un nombre total de décès qui vaudra : 14681 * 7000 / 2200 = 46712. Et ce ne sera malheureusement que la moitié de l’histoire.

    Je suis désolé d’être moins optimiste que vous.

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  5. Ce qui est dommage, c’est pas tant le fait de dire n’importe quoi, on a tous le droit de dire n’importe quoi, c’est aussi ça la liberté d’expression. Non ce qui est vraiment dommage, c’est de dire n’importe quoi tout en essayant de faire croire que l’on a une base scientifique derrière, avec des calcules, et de mélanger le tout à un sujet sérieux comme celui du pic pétrolier. Non parce que en une seule opération vous décrédibilisé le travail de chercheurs sérieux. Evidemment, la réaction qui va suivre des climato-sceptiques va être « il s’est planté sur un truc aussi évident, comment pourrait il dire quelques chose d’intelligent sur le pétrole après ça. Pour le bien commun, excusez vous et effacer moi cette pseudo analyse qui vient de se faire rattraper par la réalité en seulement 4 jours.

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