Covid-19 : 2,9 millions de Français atteints le 1er mai?

Près de 2,9 millions de Français pourraient être atteints de Covid-19 d’ici le 1er mai, pour un total de 19,2 millions de cas dans le monde. La crise sanitaire, bien que brutale, aura toutefois un effet limité sur la production pétrolière mondiale, qui ne devrait diminuer que de 4 % en 2020. Il s’agit là des principales conclusions d’un rapport à diffusion limitée publié le 24 mars par Rystad Energy, l’un des leaders du renseignement pétrolier dans le monde.

Peu connue du grand public, Rystad Energy est l’une des principales sources d’information de l’industrie pétrolière, bien avant des agences publiques comme l’Agence d’information sur l’énergie (AIE) ou l’agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) dont les données ne sont pas considérées comme assez fiables. C’est ce qu’on appelle une agence de scouting pétrolier, à savoir une agence de renseignement privée, qui collecte, compile et analyse de l’information disparate venue de partout dans le monde pour la revendre (très cher) sous une forme utilisable.

Dans son rapport spécial du 24 mars, Rystad s’intéresse à la crise de la Covid-19. Dans un premier temps, elle cherche à estimer le nombre réel de malades dans le monde, situé bien au-delà des données officielles, qui ne se basent que sur les résultats des tests menés sur une fraction des malades. Dans un deuxième temps, l’agence propose un bilan nuancé des effets de la crise sur l’économie, la demande pétrolière et même les investissements dans les énergies renouvelables.

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La pandémie

On sait que les données sur le nombre de malades dans le monde sont incomplètes, puisqu’elles ne reposent que sur le résultat des tests, menés en nombre trop limité sur les patients se présentant dans les services d’urgence. Rystad a développé (et décrit) une méthodologie permettant d’estimer le nombre réel de malades à partir du nombre de décès rapporté et du nombre de lits de soins intensifs occupés. Au final, l’agence estime qu’il y a environ 200 malades (symptomatiques ou non) pour chaque patient hospitalisé. Elle estime aussi que le taux de mortalité est de 0,66 % après 18 jours.

Sur cette base, l’agence estime qu’il y avait 2,4 millions de personnes infectées dans le monde le 5 mars, et 6,5 millions le 23 mars. Ce total pourrait atteindre 19,2 millions le 1er mai, dont 5 millions en Inde, 2,9 millions en France, 2,7 millions en Italie et 2,5 millions aux États-Unis. Ces chiffres supposent que les pratiques actuelles de confinement et de distanciation sociale seront maintenues. Sans ces précautions, le nombre de personnes infectées aurait pu atteindre 1,3 milliard le 1er mai. Rystad estime par ailleurs qu’il est trop tard pour adopter les mesures plus dynamiques qui ont fait leurs preuves en Chine et en Corée.

Rystad ne se prononce pas très clairement sur le nombre de victimes. Un tableau suggère moins de 100 000 décès au 1er mai, alors que nous en sommes déjà à 39 000 au moment d’écrire ces lignes. Le taux de décès de 0,66 % sur 19,2 millions de malades suggère plutôt 126 700 victimes. Ces projections sont à prendre avec un grain de sel en raison des inconnues qui subsistent, mais ne penchent pas du côté d’une hécatombe. Rappelons qu’en temps normal, il y a environ 160 000 décès par jour dans le monde.

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L’effet pétrolier

En matière de demande pétrolière, Rystad s’attend à une chute très marquée de mars à mai, avec un creux en avril. La demande devrait reprendre progressivement au début de l’été et revenir à un niveau proche de la normale en fin d’année. En pourcentage, la baisse de la demande pourrait être de l’ordre de 12 % en mars et mai, et de 16 % en avril (16 millions de barils par jour). Pour toute l’année, la baisse de la demande pourrait atteindre 2 milliards de barils sur un total d’environ 37, soit une baisse de 4 % seulement. Une baisse aussi soudaine est inédite dans l’industrie pétrolière, où la demande tend à être très stable. Mais elle ne représente pas un enjeu existentiel pour l’industrie.

Rystad estime que la baisse de la demande de carburant d’aviation va atteindre 3 millions de barils par jour à son sommet, et qu’elle pourrait atteindre 20 % sur toute l’année. Dans le transport routier, la baisse de la demande pourrait atteindre 9 millions de barils par jour à son sommet (dont 4 millions en Amérique du Nord et 3,5 millions en Europe) avec un retour à la normale en fin d’année.

Pourquoi les prix connaissent-ils une telle chute, alors? Essentiellement parce que les capacités de stockage sont limitées au niveau mondial, ce qui oblige à vendre les surplus de pétrole à n’importe quel prix. La capacité de stockage mondiale est d’environ 7,2 milliards de barils, dont 1,3 milliard, à bord de pétroliers en mer. Au 23 mars, cette capacité était déjà utilisée à 76 %. Avec des surplus de 15 millions de barils par jour, cette capacité restante pourrait être utilisée en 58 jours en théorie, mais plus près de 40 jours en pratique.

Quelles seront les conséquences du faible cours du pétrole sur les producteurs? Rystad estime qu’à 30 dollars le baril, les flux de trésorerie des producteurs pourraient baisser de 86 % pendant quelques mois. Mais même à 20 $ le baril, les entreprises seraient moins affectées que pendant la période 2014-2016, qui a également connu des problèmes de surproduction dans un contexte où les pétrolières avaient des structures de coûts plus élevées. L’industrie est donc sérieusement touchée, mais moins qu’en 2015.

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Les entreprises vont faire face à la baisse de leurs revenus en diminuant leurs dépenses. Rystad s’attend pour 2020 à une baisse de 40 % des dépenses des entreprises pétrolières américaines. Ceci devrait se traduire par environ 60 % moins de forages cette année et par une baisse d’environ 12 % de la production américaine (soit environ 1,5 million de barils par jour). La quantité de personnel pourrait tomber un peu plus bas qu’en 2016, à 51 % du niveau record de l’été 2014 (contre 76 % en février).

Rystad s’attend à ce que 37 % des entreprises pétrolières américaines tombent en défaut de paiement sur leur dette en 2020. Cela ne signifie toutefois pas 37 % de faillites, dans la mesure où plusieurs entreprises pourront s’entendre avec leurs créanciers. Encore une fois, cette situation n’est pas inédite et rappelle celle de la période 2014-2016. C’est une mauvaise passe, mais pas la fin de l’industrie.

Les producteurs pétroliers asiatiques, dont les volumes de production sont déterminés par des contrats à terme, s’apprêtent à réduire leur production d’environ 18 % en 2020. Les investissements en exploration devraient ralentir, mais sans s’arrêter. L’industrie pétrolière prépare déjà sa relance.

Les renouvelables en crise

Selon les informations obtenues par Rystad, la crise se traduit déjà par un arrêt des investissements dans le secteur des renouvelables. Plusieurs des gros projets en cours, surtout dans les pays tropicaux, ont déjà mis fin à leurs achats de panneaux solaires et les projets sont à l’arrêt pour un an ou deux. Certains pourraient même ne jamais redémarrer. Le programme est aggravé par la chute du cours de plusieurs monnaies, qui fait flamber le prix des panneaux. Les restrictions sur les déplacements empêchent aussi les employés spécialisés de se déplacer vers les chantiers.

Source :

Rystad Energy, Open access Covid-19 report, 3rd edition

4 réflexions sur “Covid-19 : 2,9 millions de Français atteints le 1er mai?”

  1. Qu’en est-il du secteur des pétrole non-conventionnels ? Etant donné que dans un de vos précédent billet vous informiez que le secteur tout entier était surendetté et n’avait même jamais fait de profit https://energieetenvironnement.com/2018/10/23/le-petrole-de-schiste-croule-sous-les-dettes/ je me dis qu’un secteur en aussi mauvaise situation financière doit sentir un souffle glacé sur sa nuque sachant que ce dont ont besoin les entreprises en ce moment c’est de liquidités.

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    1. Le secteur du non conventionnel représentant maintenant plus des deux tiers du pétrole américain, les chiffres sur l’industrie américaine reflètent essentiellement l’état du pétrole de schiste. Il faut le voir comme l’achat de loterie: la plupart des gens perdent leur mise, mais certains gagnent gros et ça incite le public à continuer de miser. Les promoteurs de projets pétroliers ne manquent jamais d’arguments pour décrire leur projet comment le prochain gros truc qui va rapporter une fortune.

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      1. Le nombre total de morts dans le monde doublait jusqu’à présent tous les six jours, depuis début avril il ne double plus que tous les sept jours. On est déjà à plus de 80.000 morts au 07/04, donc on peut imaginer que même si la pandémie ralentissait sous l’effet du confinement généralisé, les 200.000 morts d’ici fin avril (dont 20.000 en France) sont plus que probable.

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