Baisse du contenu énergétique de l’essence américaine

Le contenu énergétique de l’essence vendue aux États-Unis a baissé d’environ 4 % en 25 ans. Cette baisse peut sembler minime, mais ce déclin a annulé une partie des gains d’efficacité des moteurs à combustion interne. Il montre également que le système pétrolier ne donne pas tout le rendement qu’on attend de lui. Il suggère enfin que les pétrolières ont de plus en plus tendance à manipuler le contenu du carburant pour contenir la hausse de son prix.

Ce déclin a été calculé par l’analyste Robert Rapier, qui a utilisé les données historiques de l’agence américaine d’information sur l’énergie (EIA) portant sur les quantités totales d’essence vendues, d’une part, et le contenu énergétique total de toute cette essence, d’autre part. Un calcul facile permet de constater que le contenu énergétique de l’essence est passé de 34,8 millions de joules par litre en 1993 à seulement 33,8 en 2009. Ce contenu est à peu près resté stable depuis.

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L’éthanol et le butane en cause

Comment expliquer cette diminution? Il faut d’abord préciser que le déclin de la qualité du pétrole brut n’est pas en cause. Le pétrole moderne est moins énergétique en général et exige plus de raffinage de surcroît, mais l’essence raffinée est un produit normalisé, dont le contenu énergétique reste constant. Par contre, l’essence vendue dans le commerce n’est pas un pur produit du raffinage. Elle est de plus en plus en plus coupée avec d’autres produits et c’est de ce côté qu’il faut regarder.

Le premier coupable : l’éthanol. À partir de 1993, on a progressivement commencé à couper l’essence avec une petite proportion d’éthanol, pouvant atteindre jusqu’à 10 % dans certains cas. Cette mesure est devenue obligatoire à partir de 2005. Or, cet alcool, obtenu aux États-Unis par la distillation du maïs, ne contient que 21,2 millions de joules par litre. L’ajout d’éthanol diminue donc le contenu énergétique de l’essence vendue dans le commerce.

Le deuxième coupable : le butane. La loi américaine autorise le pétrolières à couper l’essence avec du butane, un produit moins cher que l’essence et que le pétrole de schiste libère en abondance. Le hic, c’est que ce produit s’évapore plus facilement de l’essence, produisant des vapeurs très polluantes. En pratique, l’essence vendue l’hiver contient donc beaucoup de butane, tandis que l’essence d’été n’en contient presque pas. Encore une fois, le contenu énergétique du butane est inférieur à celui de l’essence : 28,7 millions de joules par litre seulement.

L’une des conséquences, c’est que le 9,4 millions de litres d’essence vendues quotidiennement de nos jours correspondent à 8,9 millions de litres de 1993. À consommation égale du moteur, il faut donc brûler plus de carburant pour franchir la même distance. De plus, ce déclin est saisonnier et plus marqué en hiver, quand le mélange est plus riche en butane. Ceci explique notamment pourquoi l’essence coûte plus cher en été.

Sources :

5 réflexions sur “Baisse du contenu énergétique de l’essence américaine”

  1. Merci pour votre article. Il confirme empiriquement ce que ressentent beaucoup de ceux qui s’intéressent au pic pétrolier; même si le pic tous liquide n’est pas encore franchi avec une production journalière qui a franchi les 100 M de barils/jours nous dit-on, on n’a pas été extraire tous ces hydrocarbure pour les boire, à part peut-être pour la chimie. C’est bien leur taux de retour énergétique net qui importe.
    Et en la matière on se rend compte que le pic du taux de retour énergétique net (EROEI) par terrien est passé depuis un moment.

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    1. Ceci ne change rien du côté de l’EROEI ou du contenu énergétique du brut à l’extraction ou de l’essence après raffinage. C’est essentiellement l’essence vendue qui est diluée avec d’autres produits pour pouvoir offrir plus de carburant à moindre coût au consommateur. Mais ceci se paie d’un moindre contenu énergétique.

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  2. Merci pour cette info, je ne sais pas si cela a à voir toutefois ces jours ci le pétrole russe souffrait aussi d’une mauvaise qualité, y-aurait-il des tensions sur le pétrole en général et la raffinerie en particulier ?
    https://www.connaissancedesenergies.org/afp/petrole-russe-pollue-une-partie-du-transit-vers-leurope-reprendra-dici-le-10-mai-190426
    https://reseauinternational.net/leurope-suspend-les-importations-de-petrole-russe/

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    1. Mon article porte sur le fait que carburant est coupé après production, ce qui n’est pas lié aux enjeux de raffinage.

      Mais pour répondre à votre question, dans le cas du pétrole russe de mauvaise qualité, le problème vient surtout du fait que les raffineries européennes. conçues pour du brut du Moyen-Orient d’excellente qualité, ne disposent pas des équipements nécessaires pour le raffiner en entier – une fraction de ce brut résiste aux efforts de raffinage «ordinaires» et nécessite de l’équipement supplémentaire.

      Voir mon texte ce-dessous pour mieux comprendre cet important enjeu:

      https://energieetenvironnement.com/2018/12/19/le-fonctionnement-des-raffineries-de-petrole/

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  3. Merci pour votre explication très claire, reste que ce pétrole de mauvaise qualité n’est peut-être pas un banal incident, mais un commencement des limites du pétrole. Le coût du produit final ne cesse d’augmenter et au fil du temps la devise qui sert à sa transaction ne cesse de se dévaluer, un jour on négociera le baril en bitcoin ?

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