Le pétrole de schiste croule sous les dettes

On sait déjà que l’industrie américaine du pétrole est très endettée, mais ce n’est qu’une partie de ses problèmes. Son service de la dette est très élevé et au taux de profit actuel sur le pétrole, la ressource sera sans doute épuisée avant que l’industrie n’ait réussi à rembourser ses créanciers. Pourquoi prêter de l’argent de l’industrie dans ses conditions? Parce le secteur de la finance y gagne à court terme et qu’il espère refiler la dette à d’autres avant que la bulle n’éclate.

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Ce printemps, la perte de l’industrie américaine du pétrole de schiste depuis 2007 était estimée à 280 milliards de dollars. Selon de nouveaux calculs effectués par Mike Shellman, la dette accumulée, pour sa part, serait de l’ordre de 285 à 300 milliards. De ce montant, environ 240 milliards auraient été contractés pour l’exploration et existeraient sous forme d’obligations arrivant graduellement à échéance d’ici 2023. Sans bénéfices suffisants, l’industrie devra donc rembourser ses engagements en contractant d’autres dettes.

Or, beaucoup de ces dettes ont été contractées lorsque les taux d’intérêt étaient peu élevés. Comme la Réserve fédérale américaine augmente actuellement ses taux et comme beaucoup de pétrolières souffrent maintenant d’ennuis financiers et des cotes de crédit dégradées, ces emprunts bon marché pourraient être remplacés par de nouveaux coûteux prêts à 7 % d’intérêt environ. Shellman estime que d’ici la fin de 2019, l’industrie du pétrole de schiste devra verser 20 milliards de dollars par année en intérêts.

Ces 20 milliards de dollars représentent les revenus de 1,5 million de barils par jour, soit 29 % de toute la production américaine de pétrole de schiste. Ces montants iront vers le secteur de la finance et ne serviront pas à faire de l’exploration ou à mettre en exploitation de nouveaux gisements et remplacer ceux qui s’épuisent au rythme de 15 à 28 % par année dans le secteur du schiste.

Au prix actuel, le remboursement de la dette de près de 300 milliards de dollars exigera au total la production d’environ 9 milliards de barils de pétrole de schiste. Or les réserves combinées des deux secteurs de production texans (Permien et Eagle Ford) atteignent justement 9 milliards de barils. Je n’ai pas pu trouver la valeur exacte de ce qui reste à pomper à Bakken (Dakota du Nord) mais elle doit être de l’ordre de 2 à 3 milliards de barils.

Autrement dit, pour que l’industrie du pétrole puisse rembourser son immense dette, il faudrait qu’elle y consacre la quasi-totalité des réserves qui subsistent. Ou alors, que le prix du baril de pétrole passe à 125 dollars du baril et qu’il reste un bon moment à ce niveau. Mais des prix aussi élevés pèseraient vite sur l’économie mondiale, provoquant une récession, une chute de la demande et une baisse des prix.

Pourquoi prête-t-on aux pétrolières?

Si le remboursement est si incertain, pourquoi le secteur de la finance prête-t-il aux pétrolières? Au-delà des effets d’annonces et des prospectus financiers à l’optimisme suspect, on peut évoquer quatre raisons principales :

  • Le secteur est déficitaire dans son ensemble, mais environ 40 % des entreprises y réalisent tout de même certains bénéfices. Ces exemples entretiennent l’espoir de découvertes rentables pour entreprises déficitaires.
  • Les obligations des pétrolières offrent un excellent rendement, dans un monde où les investissements payants se font rares.

  • Une grande partie de l’argent prêté vient non pas des fonds propres du secteur financier, mais d’argent confié par des caisses de retraite ou des fonds communs de placement – le risque est donc assumé par des tiers.

  • Les firmes financières qui investissement leur propre argent croient qu’elles seront averties avec assez d’avance d’éventuels problèmes financiers et qu’elles pourront revendre leurs obligations à des investisseurs moins bien informés, qui assumeront la dette bien malgré eux.

Sources :

 

8 réflexions sur “Le pétrole de schiste croule sous les dettes”

  1. Bonjour,
    Article intéressant, cependant j’ai repris les calculs et je m’interroge. Dans la première partie de l’article on parle de 285M$ de dette dont le taux va progressivement augmenter à partir de 2023. Or juste après il est indiqué qu’a partir de 2019 les intérêts représenteront 20M$/an : exactement un taux d’intérêt de 7% mais avec 4ans d’avance et sur la totalité de l’emprunt. Bizarre.
    Ensuite ce 20M$ représenteraient 1.5millions de b/j donc un prix de 36$/b : c’est pas chère, j’achète!!!
    On retrouve ainsi ce même prix (33$/b) pour parler des 300M$ de dettes comparé aux 9M de barils de réserve.
    Si quelqu’un peut m’expliquer l’erreur, si erreur il y a sinon il faut corriger l’article.
    Merci

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    1. Bien vu. Je n’ai pas fait ces calculs et je ne suis pas sûr des hypothèses utilisées. À mon avis, ces 33-36 $ représentent soit le bénéfice brut, après dépenses, soit le prix réellement payé pour le pétrole de schiste après livraison (comme c’est un produit de mauvaise qualité, il se vend à un prix inférieur à celui du prix de référence et le coût du transport est toujours à la charge du producteur).

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      1. 33-36 c’est un prix « breakeven » que j’ai vu ici ou la (notamment pour les sweetspots, de mémoire), mais … petite astuce, ça n’inclus pas le CAPEX de l’entreprise. Autant dire qu’il y a un petit peu moquage de visage, mais ça reste le prix de revient « officiel » du schiste.
        La, avec un pétrole actuel à 75 les investissement plongent dans le schiste : c’est lié au cours des bourses qui plonge.
        Le schiste c’est un peu le binz, mais en gros, ça monte si le prix du pétrole monte, si les taux baissent, sur les 10 dernières années c’est ainsi, la corrélation est claire. (avec la defisc Trumpienne pour 2017 qui a donné de l’air).

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      2. yoananda > 33-36 c’est un prix « breakeven » que j’ai vu ici ou la (notamment pour les sweetspots, de mémoire), mais … petite astuce, ça n’inclus pas le CAPEX de l’entreprise. Autant dire qu’il y a un petit peu moquage de visage, mais ça reste le prix de revient « officiel » du schiste.

        Même tour de passe-passe qu’avec l’éolien et le solaire : pour calculer le prix du Wh, on ne prend en compte qu’une partie du coût.

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    1. Ce qu’il faut garder à l’esprit, c’est que le rôle de l’AIE est simplement de prévoir la demande, pour envoyer un signal à l’industrie sur les niveaux de production à atteindre. En général, ces prévisions ne tiennent pas compte des réserves ou de la capacité de les mettre en exploitation – l’AIE tient simplement pour acquis que l’industrie fera le nécessaire pour atteindre les cibles.

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