Le coût du stockage croît avec l’usage

Peut-on adosser une production électrique renouvelable à un stockage constitué de batteries au lithium? Oui, mais cela décuplerait le prix de l’électricité, conclut une étude sur la Californie récemment menée par le Clean Air Task Force. Ces conclusions confirment celles d’autres travaux récents, qui distinguent de plus en plus le simple lissage et le stockage à grande échelle et qui observent que la difficulté augmente exponentiellement avec le pourcentage d’électricité intermittente injectée dans le système.

Premier constat : le lissage à base de batteries au lithium fonctionne bien. Les grandes batteries que l’on installe un peu partout dans le monde en ce moment n’ont pas pour vocation de fournir la charge de base des réseaux électriques. Elles répondent plutôt à des besoins d’équilibrage ponctuel, lorsqu’il faut réagir en quelques secondes aux pointes de demande du réseau en injectant de petites quantités de courant. Dans le ce rôle, les batteries font un si bon travail que selon certains chercheurs, les jours des centrales de pointe au gaz naturel, qui jouent actuellement ce rôle, seraient comptés.

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Variations saisonnières de la production d’énergie intermittente en Californie.

Les problèmes commencent lorsque l’on cherche à se servir de batteries pour injecter dans le réseau de grandes quantités d’électricité pendant des heures ou des jours. Les travaux effectués en Californie montrent que la production d’électricité renouvelable suit des cycles saisonniers très marqués. La production électrique solaire et éolienne atteint son plafond à la fin du printemps, mais chute pendant l’été, lorsque la demande électrique est maximale. Elle tombe à un très faible niveau en hiver.

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Écart entre la production et la demande d’électricité intermittente en été.

Il en résulte que plus le pourcentage d’énergie intermittente augmente dans le réseau, plus les écarts saisonniers deviennent difficiles à gérer. La Californie pourrait produire 50 % d’énergie renouvelable dès 2020 et vise 100 % en 2045. Le Clean Air Task Force, un think tank basé à Boston, estime qu’à 80 % de renouvelables, il faudrait pouvoir compter sur 9,6 millions de MWh de capacité de stockage. À 100 % de renouvelables, ce chiffre monte à 36,3 millions de MWh. La capacité de stockage actuelle en Californie est actuellement de 150 000 MWh, principalement sous forme de pompage hydraulique.

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Coût du stockage en fonction du taux de pénétration des énergies intermittentes, en dollars par MWh.

L’ennui, c’est que la technologie lithium-ion actuelle convient mal au stockage sur des jours ou des semaines, que la durée de vie des batteries est trop courte et que tout cela fait exploser les coûts des énergies intermittentes adossées à des batteries. Selon les calculs des chercheurs, adosser 50 % de la production électrique à des batteries augmente le prix de revient d’environ 4,9 cents du kWh, ce qui demeure raisonnable. Mais si l’on vise 100 %, le coût du stockage explose à 1,60 $. Et cette projection repose sur l’hypothèse selon laquelle le prix des batteries chutera des deux tiers!

« Le système devient complètement dominé par le prix du stockage, observe Steve Brick, du Clean Air Task Force. On construit une énorme capacité de stockage qu’on remplit jusqu’au milieu de l’année, après quoi on dissipe le tout. C’est un investissement massif, dont on fait une très faible utilisation. » Le danger, c’est que le public estime un jour qu’il coûte simplement trop cher de continuer à investir dans des technologies zéro émission.

Pas étonnant donc que la recherche s’attaque à de nouvelles solutions. Une étude publiée plus tôt cette année dans la revue Energy & Environmental Science conclut qu’un réseau de transport électrique de pointe, à l’échelle des États-Unis au complet, permettrait d’équilibrer une production intermittente à 80 %. Mais la facture d’un tel réseau serait salée : plus de 2500 milliards $.

Comme le poids n’est pas un critère dans les applications fixes, la recherche s’intéresse aussi à des batteries moins voraces en ressources et moins coûteuses que les batteries au lithium. Il existe divers projets intéressants, mais ils prendront du temps et les résultats demeurent incertains. Or, l’industrie a besoin le plus vite possible d’une technologie confirmée. Et même avec les technologies les plus prometteuses, le prix du stockage demeure très élevé lorsque la part de renouvelables dépasse 90 %. Il ne faudrait donc pas trop s’étonner de voir les taux de pénétration des renouvelables plafonner autour de 50 % en attendant de meilleures solutions au problème de l’intermittence.

 

Sources :

6 réflexions sur “Le coût du stockage croît avec l’usage”

  1. Le problème ne vient-il pas du fait qu’on essaye de stocker le surplus d’électricité sous forme chimique dans des batteries ? Ne pourrait-on pas envisager de faire du power-to-gas (H2 ou CH4) ? Quel serait le prix dans ce cas là ?

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  2. Au delà des problématiques purement économique, savez-vous si des études d’impacts environnementaux et sanitaires de tel scénario (50/80/100% ENR + stockage électrique ou autre stockage) existent ?

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    1. Pas certain. La recherche se concentre actuellement sur le déploiement, parce que le temps nous est compté. Je pense que les chercheurs considèrent pour le moment que quels que soient les impacts, ils seront préférables à ceux des changements climatiques.

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