Pic pétrolier ou pic de la demande pétrolière?

On entend souvent dire que le pic pétrolier n’est pas un problème parce que les renouvelables vont tuer la demande en carburants fossiles bien avant que leur déplétion ne devienne un problème. C’est la thèse du « pic de la demande pétrolière » (peak oil demand), très répandue dans les milieux économiques et chez certains écolos, parce qu’elle offre une vision rassurante de l’avenir. Mais c’est aller un peu vite en affaires, objecte Robert Rapier. Pour lui, il n’y a aucun signe réel de plafonnement de la demande et le pic pétrolier va nous frapper bien avant.

Rappelons un peu les concepts. Le pic pétrolier est l’idée qu’en raison de la déplétion de la ressource, la production de pétrole va finir par plafonner, puis par diminuer peu à peu. Il repose sur une offre limitée en raison de facteurs géologues inévitables. Le pic de la demande pétrolière, par sa part, estime qu’une forte baisse de la demande en produits pétroliers va se produire sous peu, parce que le pétrole sera rendu obsolète par des technologies comme les énergies renouvelables ou l’auto électrique. Ceci aura lieu bien avant que ne survienne le pic pétrolier proprement dit.

La distinction peut paraître assez théorique : après tout, on « sort du pétrole » dans les deux cas. Mais Robert Rapier, un spécialiste de l’industrie pétrolière et des carburants alternatifs, rappelle que les conséquences des deux scénarios ne sont pas les mêmes. Le pic pétrolier mène à des prix élevés, qui nuiraient gravement à l’économie mondiale. Le pic de la demande, pour sa part, mène à une baisse des prix du pétrole et à une croissance qui se poursuit sans interruption et sans le moindre souci pour quiconque. Pas étonnant que les milieux économiques préfèrent ce scénario.

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Croissance de la demande en pétrole 2011-2016, en nombre de barils.

Mais un pic de la demande pétrolière est-il vraiment imminent? Robert Rapier n’en croit rien. De 2011 à 2016, fait-il valoir, la demande mondiale pour le pétrole a augmenté de 6,8 millions de barils par jour. Qui plus est, ce rythme d’augmentation est supérieur à celui enregistré entre 2006 et 2011. En clair, les renouvelables n’ont pas encore inversé la tendance et il y a peu de chances qu’elles le fassent avant 2030, si le pic pétrolier n’a pas eu lieu d’ici là.

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Croissance de la demande en pétrole 2011-2016, en pourcentage.

Rapier observe que la consommation de pétrole a baissé dans une seule région du monde, l’Europe, où elle a décliné de 4,1 % entre 2011 et 2016. Mais encore là, les signaux sont ambigus. La consommation de pétrole a augmenté de 1 % en Norvège, qui est par ailleurs l’un des leaders mondiaux des voitures électriques. L’analyste y voit la preuve qu’aux niveaux actuels de déploiement, les véhicules électriques ne changent pas véritablement la donne.

En somme, pour Robert Rapier, cette théorie du pic de la demande pétrolière est une ingénieuse forme de déni. Mais bien que mal fondée, cette croyance a des conséquences réelles sur le fonctionnement des marchés pétroliers. Alors que la crainte d’un pic pétrolier a contribué à maintenir les prix élevés il y a quelques années, l’idée d’une chute imminente de la demande a tendance à les maintenir anormalement bas et à stimuler la consommation. De plus, l’idée que le pétrole sera bientôt abandonné incite l’industrie à sous-investir dans la recherche, ce qui accroît à terme les risques d’une pénurie de pétrole.

À moins que le rythme de déploiement n’accélère substantiellement, cette idée d’un pic imminent de la demande pétrolière accroît les risques de disparité entre une offre limitée et une demande croissante. Le retour des prix élevés est probablement un signe avant-coureur d’une telle disparité. Pour que l’idée d’un pic de la demande ait un sens, il faudrait que le rythme de déploiement des renouvelables soit plus élevé et surtout, que ceux-ci se substituent vraiment au pétrole, ce qui est loin d’être toujours le cas.

 

Sources :

 

 

 

8 réflexions sur “Pic pétrolier ou pic de la demande pétrolière?”

  1. L’Europe consomme moins pour une raison démographique : la population 15-45 ans, en age de procréer, celle qui s’endette et qui tire la croissance diminue. C’est la raison pour laquelle notre consommation de pétrole diminue. Il y avait un blog d’un économiste qui démontrait ça avec brio, mais il y a quelques jours il a été vidé.

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      1. Le site a été vidé de son contenu. L’auteur a depuis reposté un article, mais c’est le seul qui apparaît. Fausse manip de sa part peut-être ?

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  2. Pic pétrolier
    Je ne comprends pas qu’on ne puisse pas faire comprendre aux gens ce truc là avec des mots plus simples qu’avec des concepts complexifiés (évidemment la simplicité ne paie pas et tue les fonds de commerce !)
    Arrêtons de parler de pic pétrolier qui entretient la confusion avec la notion de réserve de pétrole, parlons de volume de pétrole en réserve et de volume de production instantané de pétrole en vue de satisfaire la demande et expliquons que même si la demande diminue, la production instantanée diminue encore plus et ne permet pas de satisfaire cette demande.

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    1. Le sens de l’expression «pic pétrolier» était très claire avant que certains idéologues essaient de le discréditer en lui donnant un sens qu’il n,avait pas. Les termes que vous proposez ne sont pas mauvais non plus, mais ils finiraient aussi par être détournés de leur sens premier s’ils avaient du succès.

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      1. Je me rends, vous avez raison, 🙂
        les trois premières occurrences trouvées aussi bien avec qwant.com qu’avec Google pour « pic pétrolier » vous donnent raison : « Le pic pétrolier (peak oil en anglais) désigne le sommet de la courbe de production d’un bassin pétrolier ou d’une zone pétrolifère. »

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