Les limites pratiques du recyclage des batteries au lithium

La consommation mondiale de lithium et de cobalt augmente sensiblement plus vite que la production en raison de forte demande en batteries lithium-ion pour l’industrie automobile. On avance souvent que le recyclage de vieilles batteries va permettre de combler une partie de la différence, mais le recyclage demeure une procédure compliquée, énergivore et plus efficace pour récupérer le cobalt que le lithium. De plus, la capacité mondiale reste très limitée. Un article rédigé par une équipe de l’Académie chinoise des sciences fait le point.

Un des premiers obstacles au recyclage, c’est que les batteries lithium-ion (BLI) constituent une matière dangereuse, à manipuler avec précaution. La puissance électrique résiduelle qu’on y trouve peut provoquer des incendies ou des explosions. L’électrolyte réagit facilement avec l’eau pour produire des gaz toxiques comme le fluorure d’hydrogène. Le lithium qui s’est déposé sur l’anode peut aussi réagir avec de l’eau pour produire de l’hydrogène et de l’hydroxyde de lithium, un puissant agent caustique. Enfin, les métaux comme le cobalt, le nickel et le manganèse peuvent polluer l’eau et le sol.

De plus, il existe actuellement un grand nombre de variantes de la BLI, se distinguant surtout par le contenu de la cathode, et connues sous le nom des substances la composant. On distingue en particulier les batteries LiCoO2, LiNiO2, LiFePO4 et lithium nickel cobalt manganèse (NCM) ainsi que la variété lithium nickel cobalt aluminium (NCA). Ces différentes batteries ne sont pas toujours bien identifiées et pourtant, chacune nécessite une méthode de recyclage un peu différente.

Procédé recyclage BIL
Complexité d’un procédé industriel type reposant sur des éléments prétraités et des scories pyrométallurgique.

Approches de séparation des métaux

Il existe une grande variété d’approches pour recycler le contenu des batteries, chacune présentant des avantages et des limites. Les industriels utilisent en général une combinaison de méthodes physiques et chimiques pour récupérer le contenu des BIL. Les méthodes physiques consistent par exemple à démanteler, broyer et tamiser les batteries, puis à appliquer des traitements thermiques. Les méthodes chimiques se divisent en plusieurs catégories :

  • Les procédés pyrométallurgiques consistent à chauffer les résidus à haute température pour séparer les métaux sous forme de scories ou d’alliages. Ils sont énergivores, exigeant des températures pouvant atteindre 1475 °C pendant 30 minutes. Très efficaces pour séparer le cobalt, le nickel et le cuivre, ils laissent passer la moitié du manganèse et presque tout le lithium.
  • Les procédés hydrométallurgiques reposent sur l’utilisation de réactifs en phase liquide pour dissoudre ou faire précipiter les métaux. La lixiviation traditionnelle utilise de puissants acides comme solvants, mais il existe également des méthodes utilisant des alcalis. La méthode alcaline est très efficace pour séparer le cobalt, le cuivre et le nickel, mais l’est moins pour les autres métaux.
  • Les procédés biométallurgiques utilisent des microorganismes pour transformer les substances insolubles en produits solubles, qui pourront ensuite être séparés par d’autres méthodes. Ce sont des procédés peu énergivores, mais qui peuvent prendre jusqu’à une semaine et qui ne fonctionnent qu’avec de très faibles concentrations de matière à recycler, ce qui limite leur utilité. Les taux de matière récupérés sont également trop faibles pour assurer la rentabilité.
  • Il existe aussi des méthodes utilisant des solvants et d’autres cherchant à provoquer la précipitation par l’usage de divers additifs.

En général, les entreprises de recyclage utilisent une combinaison d’approches physiques et chimiques et privilégient les approches hydrométallurgiques dans la mesure du possible, en raison de leur coût énergétique moins élevé. Une quinzaine de procédés différents sont utilisés dans le monde. Il faut donc éviter de parler du recyclage des BLI comme s’il s’agissait d’un seul et unique procédé, s’appliquant à toutes les batteries.

 

BIL conso énergétique
Coût énergétique de deux types de cathodes de métaux recyclés, selon le procédé, comparé au coût énergétique du cathodes neuves extraites de deux mines types.

Efficacité globale

Les chercheurs notent que les méthodes de séparation traditionnelles, comme la précipitation ou l’usage de solvants, ne sont pas rentables en contexte industriel. Ils consomment trop de réactifs, dépendent de processus de purification complexes et produisent un grand volume de déchets non valorisables. Les approches pyrométallurgiques, pour leur part, n’ont pas été inventées spécifiquement pour les BLI et ne récupèrent efficacement que le cobalt, le nickel et le cuivre, Le lithium et l’aluminium sont perdus.

On estime qu’à l’échelle mondiale, 1 % seulement du lithium contenu dans les batteries est récupéré, bien que dans certains pays, comme les États-Unis, jusqu’à 20 % des batteries soient recyclées. Plus étonnant encore, des préoccupations au niveau de la pureté du produit font en sorte que le lithium recyclé n’est pas réutilisé pour fabriquer de nouvelles batteries : le lithium neuf permet un meilleur contrôle de la qualité. Cela signifie concrètement que le recyclage ne permet pas de créer une « économie circulaire » du lithium.

Le cobalt est l’un des métaux les mieux recyclés et valant le plus cher. À vrai dire, il n’y a que son extraction qui justifie vraiment le coût élevé des procédés. Il en résulte que les batteries de type LiCoO2 et NCM, plus riches en cobalt, sont aussi plus rentables à recycler et que la diffusion de nouvelles batteries à faible teneur en cobalt pourrait nuire à la rentabilité du recyclage.

Par ailleurs, ce qui précède ne concerne que le traitement des cathodes. Le recyclage des anodes et de l’électrolyte est un domaine qui a été négligé jusqu’ici. Cette matière est donc en grande partie perdue.

Enfin, il faut aussi souligner qu’aucun procédé ne parvient à traiter un lot comportant un mélange de batteries de types différents – un bon tri préalable est donc essentiel. Ceci s’avère très difficile sans une bonne identification du contenu des batteries, un domaine où il y a encore peu de progrès.

Le recyclage des batteries lithium-ion est donc un domaine où il se fait beaucoup de recherche, mais où les progrès sont relativement lents, surtout compte tenu des besoins croissants. Pour le moment, et dans un avenir prévisible, il faut donc le considérer comme une pratique énergivore, polluante, créant beaucoup de déchets toxiques et ne permettant la récupération que d’une fraction seulement du contenu des batteries. Un pas en avant, donc, mais sûrement pas une solution pleinement satisfaisante au problème de déplétion des ressources naturelles.

 

Source :

Wang, Sung. Cao et alii, A Critical Review and Analysis on the Recycling of Spent Lithium-Ion Batteries

 

24 réflexions sur “Les limites pratiques du recyclage des batteries au lithium”

  1. Bonjour,
    Article très intéressant, quelques petites coquilles sur la fin :
    « […] la diffusion de nouvelles batteries à faire teneur en cobalt » –> « à faible teneur »
    « […] l’électrolyte est un domaine qui a peu été négligé jusqu’ici. » –> « qui a été négligé »

    Merci encore pour la vulgarisation.
    François

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  2. Oui, j’ai vu ce texte passer. Vous me permettrez d’être sceptique. D’abord, les volumes en cause son minuscules – 150 tonnes, c’est de 300 à 500 batteries seulement. Quel est le coût de revient de l’opération? Qu’est-ce qui est vraiment récupéré et remis en marché? Tous les composants métalliques, ou les plus précieux seulement? On n’en sait trop rien, il y a peu d’information concrète.

    Disons qu’entre les prétentions plus ou moins transparentes d’une entreprise commerciale qui vend ses services et la littérature scientifique, je choisis sans hésitation la seconde.

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      1. L’émission « Les années lumières » du 7/06/20 et des articles promotionnels de AVÉQ présentent l’usine pilote de Recyclage Lithion comme étant efficace à 95% sans trop apparemment de pollution et en plus rentable. Pour l’énergie, on ne sait trop. Trop beau pour être vrai ? Qu’en pensez-vous, M. Gauthier ?

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      2. Il en est question depuis un moment, mais il est difficile d’avoir des détails sur le procédé, à part cette affirmation générale. Trop souvent, on dit qu’une matière est recyclée dès qu’elle ne va pas au dépotoir. Mais il se peut qu,elle soit recyclée vers le bas: la matière obtenue n’est pas de grade suffisant pour faire d’autres batteries, par exemple, ou une partie de la matière devient une poudre incorporée à du ciment, où elle est perdue. Les recycleurs sont avides de ce genre d’astuces pour annoncer de gros chiffres. Je ne sais pas trop ce qu’il en est avec Lithion et je préfère réserver mon jugement tant qu’il n’y aura pas de détails plus précis. L’idée de tout réduire en poudre, puis d’extraire les substances une à une me paraît compliquée et potentiellement très énergivore.

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  3. Je réagis à cet excellent article mais je m’étonne que le bon sens du lecteur ne soit pas frappé par l’aberration de ce nouveau paradigme: si le recyclage des batteries s’avère aussi énergivore et polluante, pourquoi continuons-nous à croire en la fée électricité pour résoudre nos problèmes énergétiques? Observez plutôt la gabegie: une batterie de vélo se compose d’une dizaine de métaux et terres rares qui doit être extraite et traitée par des procédés industriels eux-mêmes polluants et énergivores. Au bout de 3 ans maximums (3 ANS SEULEMENT!!!) de bons et loyaux services, elle rend l’âme et part au recyclage. Ultime opération énergivore et polluante qui doit permettre de récupérer 70% des composants pour les remettre dans le circuit. Et les 30% restants sont confiés à mère nature. Une batterie de vélo coûte 350€ en moyenne en fonction de leur puissance, qu’il faudra renouveler 3 ans après ou un peu avant selon la qualité. Boum 350€ de plus! Elle doit être rechargée plusieurs fois dans le mois pour ses besoins de déplacement et sa maintenance. En moyenne cela revient à ±15€/mois pour un parcours de 10 km/jour en ville, soit 300 km/mois. Est-ce que ce coût rapporté au dommage causé à l’environnement en vaut la chandelle? Je ne suis pas un chantre du tout-pétrole loin de là, mais franchement ça fait réfléchir…

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    1. Totalement faux.
      15€ c’est 100kw tarif heures pleines. En voiture electrique citadine (zoe par exemple) cela permet de rouler 650km.
      En vélo à assistance electrique, assistance au maximum, ce sera 10 000km environ. Vous êtes faux d’un facteur de 30.

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      1. Par ailleurs la durée de vie d’une batterie de VAE est bien supérieure à 3 ans. Bien sûr elle perd de sa capacité mais au bout de 6 ans, et selon les modèles, elle permet encore de parcourir une vingtaine de kilomètres, ce qui suffit largement à une majorité d’usages. Il suffit juste de la recharger quotidiennement.

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    2. Les batteries Lithium ne sont qu’une étape ( favorable pour nous qui n’avons pas de pétrole mais de l’électricité en trop surtout la nuit). On peut s’étonner qu’il y ait aussi peu de volonté à développer les solutions à l’hydrogène. Elles finiront par gagner mais il faudra encore attendre longtemps…

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      1. Je doute de la victoire de l’hydrogène pour le stockage. Stocker et restituer de l’électricité à l’aide d’une batterie entraîne des pertes de l’ordre de 10% au plus. Transformer l’électricité en hydrogène, puis la retransformer en électricité entraîne des pertes variant entre 50 et 75%, selon la filière retenue. Cette perte peut être acceptable dans les niches où il n’existe pas de possibilité d’électrification directe, mais rend l’idée d’une stockage massif ruineux et impraticable.

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