La nouvelle est passée inaperçue dans les médias, mais un parti qui fait notamment l’apologie de la décroissance est arrivé bon premier aux élections italiennes du 4 mars dernier. Il pourrait former le prochain gouvernement. Une première mondiale. Il s’agit du Mouvement 5 étoiles, un jeune parti très décentralisé, fondé en 2009. Ses cinq principes fondateurs? L’eau publique, les transports durables, le développement, la connectivité et l’environnement.
On s’attendait à ce que les élections se jouent entre la droite de Sylvio Berlusconi (Forza Italia) et le centre gauche de Matteo Renzi (Parti démocrate). On a comparé Berlusconi à Donald Trump en raison de ses positions très conservatrices sur l’immigration et la promotion de l’industrie, voire sur le droit de porter des armes. Quant à Renzi, on a tracé des parallèles avec Hillary Clinton : gauche reniant ses origines et ayant perdu le contact avec sa base.
Au final, le Mouvement 5 étoiles et ses idées écologistes et anti-système ont remporté 33 % du vote, le Parti démocrate, 19 % et Forza Italia, 14 % seulement. La carte montre les régions dominées par le Mouvement 5 étoiles (en jaune), la coalition de droite (dont Forza Italia n’est qu’une composante) en bleu et la coalition de gauche en rouge. Il est à noter que le vote du Mouvement 5 étoiles se concentre dans les régions les plus pauvres du pays. On n’est pas dans la gauche caviar ou l’écologie bobo.
Les analystes politiques reprochent au Mouvement 5 étoiles son populisme et une certaine confusion dans ses idées, qui varient un peu selon la météo politique. C’est clairement un parti antisystème, dont la rhétorique emprunte autant à droite (immigration, fiscalité, euro) qu’à gauche (revenu universel, politique écologiste forte, énergies 100 % renouvelables). Cette plateforme, qui a connu une évolution rapide depuis 2009, n’est pas entièrement cohérente, mais a séduit les Italiens.
Décroissance conviviale et mode de décision ouvert
De manière remarquable, le parti fait l’apologie de la décroissance conviviale (decrescita felice), qui fait partie de ses priorités environnementales. Cette idée n’a pas joué un rôle de premier plan dans le succès électoral du 4 mars et semble faire partie du programme parce qu’elle porte en elle la promesse d’une rupture radicale avec le système politique et économique actuel de l’Italie – ce qui demeure la priorité du mouvement. Il n’en reste pas moins que c’est la première fois dans le monde qu’un parti prônant la décroissance remporte une élection générale et en ce sens, c’est un important précédent.
Ugo Bardi, professeur de chimie physique à l’Université de Florence et observateur influent des idées écologistes, croit qu’il faut voir au-delà de l’Italie. Le mouvement pourrait présager de ce qui s’en vient en politique, non seulement en raison de ses idées, mais aussi de son mode de fonctionnement ouvert.
« Si vous observez le fonctionnement du Mouvement 5 étoiles, écrit-il dans son blogue, vous y verrez quelque chose qui s’éloigne de tout ce qu’on appelle normalement un parti politique. Je pourrais dire que cela ressemble davantage à une version Facebook. Pas de chef, pas de programme, pas d’idéologie, simplement une idée générale et un réseau de gens qui débatent afin de trouver les meilleures solutions aux problèmes que nous affrontons. Cela semble fonctionner – c’est une nouvelle manière de gérer le système. »
Qui a dit que la rencontre d’une forme de démocrate directe et d’écologie ne pouvait pas remporter des élections?
Sources :
- Italie : cinq choses à savoir sur le Mouvement 5 étoiles, arrivé en tête des élections législatives
- Ugo Bardi, Italian Elections: The Great Five-Star Surprise